Les jours qui suivirent la dernière chevauchée du grand roi Edenar on vînt s’installer à Dwyrmilin pour fêter la paix nouvelle et l’amitié entre hommes et géants. Cependant dès l’arrivée de la cour au château on annonça au roi de fort mauvaises nouvelles. Jan le Sonneur était mort suite à sa vilaine blessure et son fils Verdian avait alors juré par les puissances de se venger de celui qui d’après lui avait causé son malheur : Ydrin.
Le prince Ydrin aurai bien voulu s’expliquer sur le champ avec son détracteur mais Verdian avait pris un cheval et quitté le castel dès que ses armes lui furent réclamées ; le courage de faire face à ses pairs suite à ses mensonges éhontés lui avait manqué semblait-il. Mais toujours est il qu’Ydrin fut amer de n’avoir eu que des mots de colère en quittant l’ancien sénéchal de son père, la façon dont il avait arraché le tronçon de lance de son épaule avait tout aussi bien pu causer le mort du pauvre homme.
De leur côtés le Géant des Iles et Edenar bien que convalescent avaient noué une amitié solide, ils ne cessaient d’échanger souvenirs de tournois et problèmes de souverains…Et ils parlaient tous deux d’Ulinor la Belle qu’ils aimaient tant. Mais un jour on arriva à parler de la mort de Drewen le Roux, le Géant des Iles exposa l’affaire et rendit le roi soucieux.
« Mon ami je n’ai eu nul écho de ce chevalier aux armes noires qui se proclamerai maître de la montagne au lac étoilé, cependant je sais qu’il n’est pas de nos gens. Il ne sera pas dit que quiconque puisse porter atteinte aux braves gens sur mes terres sans affronter notre justice! »
Mais des chevaliers d’Edenar nul n’était plus assez vaillant pour partir à l’aventure avant quelques jours, Ydrin que la paix lassait au dessus de tout et que la conscience tourmentait se proposa d’aller voir la chose.
« Sire, en s’en prenant au père de ma mère le meurtrier aux armes noirs m’a aussi insulté, avec votre permission j’irai à l’aventure m’assurer que notre honneur est lavé. »
Le roi Edenar aurai souhaité garder son fils auprès de lui et apprendre à mieux le connaître mais il savait trop de la fougue qui habite le cœur des jeunes gens, il accepta de laisser partir le jeune homme à regrets. Le Géant des Iles voyait bien l’embarras de son nouvel ami et nourrissait lui aussi quelque inquiétude bien qu’Ydrin fut le fleur de la chevalerie de ce temps, il leva sa coupe et fit une libation en l’honneur de la quête à venir.
« Ne pars pas seul Ydrin aux armes bleues, Maleor le Pâtre a cherché la trace de Drewen le Roux pendant des années avant de trouver l’endroit dont il est question, il saura te guider jusque là-bas. »
Ydrin accepta avec plaisir la compagnie du jeune Géant tant il appréciait son amitié déjà du temps du royaume des île ; c’est ainsi qu’ils décidèrent de quitter Dwyrmilin le lendemain même. L’aube teintait à peine le ciel dans la campagne que les deux chevaliers chevauchaient côte à côte vers l’autre frontière du royaume de l’Est. Ils traversèrent des prés verdoyants, passèrent le gué d’un torrent vigoureux et entrèrent sous la douce voûte d’un bois qui commençait à prendre les couleurs d’un nouvel automne…Un an déjà qu’Ydrin avait livré son premier combat en terre des hommes. La nuit allait bientôt tomber et les chevaliers s’approchèrent d’une maisonnée au toit de paille, sa cheminée fumait et c’était bien assez pour exciter l’envie de repos des cavaliers fourbus par une journée menée bon train. C’est dans cette honorable chaumine que Maleor le Pâtre et Ydrin reçurent l’hospitalité. Le forestier qui vivait là était un ermite s’étant retiré du métier de marin, il avait voyagé longtemps et par tous horizons avait accumulé une certaine sagesse, il reçut les deux chevaliers du mieux qu’il put et ce n’était pas mince affaire lorsque l’on avait un géant à sa table…Mais ils ont depuis bien longtemps disparu de la terre des hommes. Durant le souper, l’hôte des chevaliers déclara :
« Ainsi vous vous rendez au tertre de la montagne, c’est là une aventure bien périlleuse. »
C’était grand prodige que l’homme su pareille chose car il n’en avait été rien dit à sa table, Maleor le Pâtre questionna donc son hôte.
« Homme comment sais-tu où nous nous rendons ? »
« Outre les fourrures que vos montures transportent je vois bien qu’un chevalier du peuple des géant cheminant avec un chevalier de la race des hommes ne peuvent être que Maleor le Pâtre au cœur bon et Ydrin prince des royaumes du Nord. Bien que j’habite dans une région reculée les voyageurs n’en colportent pas moins des histoires et j’ai eu tôt fait d’entendre que vous veniez de Dwyrmilin jusque dans nos terres. »
Les chevaliers acquiescèrent et conçurent un grand respect pour la sagesse de l’ermite. La nuit passa et au petit matin les deux compagnons remontèrent en selle, n’oubliant pas de vouer leur hôte aux puissances bienfaitrices de ce monde. La chemin devînt ardu car la rocaille roulait sous les sabots des chevaux, il y avait de nombreux buissons d’ajoncs piquants et le vent se faisait froid. Avant midi les deux voyageurs firent une pause à l’abri d’un amas rocheux, Maleor le Pâtre se frottait les mains l’une contre l’autre et regrette amèrement de ne pas avoir cheminé avec une plus grande compagnie comprenant écuyers et valets en bon nombre. Mais Ydrin semblait soucieux à regarder le ciel.
« Nous aurons de la neige d’ici la nuit tombée, il nous faudra trouver forteresse où trouver refuge je le crains. »
Sitôt réchauffés les chevaliers reprirent la route qui menait vers le pied des montagnes, il y avait là une rivière que seule une forteresse de pierre dure enjambait, c’est au pont-levis de celle-ci que Maleor le Pâtre alla demander hospice.
« Au nom d’Edenar roi des hommes et suzerain de ces terres faîtes bon accueil à son fils le Prince Ydrin ! »
Mais du haut de la muraille un guerrier vêtu de mailles noires ricana et répondit d’une façon fort insolente.
« C’est ici la fin des terres du roi Edenar et cette forteresse ne tombe pas sous sa folle gouvernance, nous n’accueillerons pas la racaille de sa cour à moins qu’elle n’enfonce les portes! »
L’insulte mit Maleor dans tous ses états et sans attendre il s’empara de sa lance aussi grande qu’un chêne et s’élança avec vitesse, la lance du géant était si longue qu’elle enjamba le cours d’eau et frappa le pont-levis, l’envoyant voler en morceaux. Maleor hurla alors avec le tonnerre qu’est la voix d’un géant.
« Voilà pour la porte et maintenant que celui qui a sali le nom des amis des géants pointe le bout de son nez, je lui ferai crier grâce ! »
Le fracas était si grand que dans la forteresse on crut à une attaque, les défenseurs grimpèrent au créneau et déversèrent une grêle de flèches et de projectiles sur le chevalier des îles ; nul autre créature n’aurai survécue à pareil traitement mais le géant resta droit et imperturbable, cependant sa monture périt sous lui. Voyant la conduite honteuse des gens du château, Ydrin ami des chevaux conçut une colère sans nom à l’endroit des occupants de la forteresse sur la rivière. D’un bond son destrier franchit l’eau et atterrit dans la cour, Ydrin tira la lame au clair et se mit à massacrer tant et si bien les gens d’armes que tous ceux des murailles sautèrent à l’eau en hurlant de terreur ! Et ceux de la rive orientale ne le firent que pour tomber entre les mains d’un Maleor furieux qui les assommait à grands coups de poing sur le crâne, nul heaume ni faisait rien et ils tombèrent tous les uns après les autres ! Après quelques instants seulement de fureur guerrière il n’y eu plus que les femmes, les vieillards et les enfants de valide ; devant leur cris de pitié Ydrin s’arrêta.
« Je ne sais quel fou est le maître de cette forteresse mais sachez qu’à présent elle reviens de droit à ceux qui l’ont conquis et qui sont de ma maison ! »
On se rendit à son avis et les gens d’ici auraient d’ailleurs été bien heureux d’être gouverné par le bon Edenar plutôt que par les traîtres aux mailles noires qui les avaient conquis. Maleor rejoint Ydrin avec ses prisonniers et on pria les seigneurs de venir s’installer à la table du donjon.
« Voilà une jolie aventure mais c’est pitié bel Ydrin que mon cheval y ait trouvé la mort, il n’y a ici nulle monture qui puisse me porter et je ne chevaucherai pas un bœuf ! »
Des charpentiers entreprirent de réparer le pont-levis alors que les traîtres furent mis aux oubliettes, un messager fut aussitôt envoyé vers la cour du roi Edenar afin qu’une garnison vînt tenir la place. Ydrin ne comptait pas s’attarder dans la forteresse sur la rivière, l’aventure lui avait ouvert l’appétit de batailles et le plus gros des affronts restait encore à laver.
« Ami tu m’as bien guidé jusqu’ici mais tu ne puis continuer à cheminer à mon côté, reste donc en cette forteresse et emploie ta force comme ton bon cœur à la diriger à la façon des justes ! »
Maleor était amer de devoir quitter la compagnie du petit géant, mais bien que jeune parmi les siens il n’en était pas moins sage et comprit donc que c’était ainsi pour le mieux.
« Soit je ferai de mon mieux, il semble bien que ce soit là une aventure où je ne puis t’accompagner mais n’oublie pas de prendre quelques victuailles pour ta route jeune seigneur. »
C’est ainsi alors que l’après midi avançait qu’Ydrin s’enfonça dans les bois couvrant la montagne…Pourtant le ciel lourd menaçait de bien des maux les voyageurs imprudents. La nuit tombée Ydrin était toujours dans la forêt à arpenter le sentier, la nuit était froide et il se sentait fort seul et désolé alors que la neige se mit à tomber ; drapé dans le silence de ces mornes pensées il aperçut au loin une lueur à travers les arbres comme celle d’un feu de camp. Se dirigeant vers l’endroit dont semblait émaner la lumière, Ydrin arriva dans une clairière où un voyageur solitaire avait établi son campement. La leur du bon feu était joyeuse et invitait à la détente, l’homme assis de dos chantonnait avec une voix de baryton tout en remuant avec une baguette quelque pot de soupe mis au feu. Ydrin descendit de son cheval et délaça son heaume, puis approchant doucement interpella l’homme.
« Salutations ami voyageur, que les puissances des bois étendent sur toi leurs bienfaits en cette nuit bien froide. »
L’homme se retourna, c’était un des ces hommes du sud à la peau sombre, peu d’hommes du nord n’en avaient jamais rencontré un ; celui-ci était corpulent et portait outre un air jovial un magnifique collier de barbe et une longue crinière de boucles noires. Vêtu d’une robe de soie bleue et d’un manteau de fourrure blanc immaculé il étendit les mains en signe de bienvenue, partout sur lui la lumière du feu faisait ressortir l’or de bijoux dignes d’un empereur. De la même voix égale et douce il répondit au voyageur.
« Salut à toi Formenyà ! Sois le bien venu et prends donc place autour du feu. »
Ydrin ne se fit pas prier, défaisant la selle de son cheval il s’installa avec armes et affaire de l’autre côté du feu.
« C’est une chance de vous avoir rencontré car j’ai été surpris pas la nuit dans ces bois, j’aurai bien pu me perdre. »
L’homme acquiesça d’un air entendu et se remit à touiller son pot de soupe ; une fois bien installé et réchauffé, Ydrin entreprit de se présenter comme il convient.
« Je suis Ydrin aux armes bleues, fils du sage et puissant roi Edenar de l’Est et de la douce Ulinor aux cheveux blonds ; je voyage depuis Dwyrmilin jusqu’à un lieu que l’on nomme le tertre de la montage et où est enterré Drewen le Roux, père de ma mère. »
L’homme sourit et ses dents du blanc du corail brillaient presque comme un soleil sur son visage.
« Je vois bien que la fameuse courtoisie et les manières de la maison des rois du Nord ne sont pas usurpées, et bien chevalier laisse moi donc me présenter à mon tour ; j’ai pour nom Barbata et je viens d’une île très loin au sud pour affaires dans cette contrée glaciale. »
Ydrin ne cessait de détailler Barbata, admiratif il loua l’homme vêtu de blanc.
« Quelles riches parures, et que d’or et de joyaux ! Vous devez être un seigneur puissant dans votre contrée sire Barbata. »
L’homme sourit de tant de compliments et d’une main amicale apaisa le jeune homme.
« Je ne suis pas d’aussi bon lignage que toi Formenyà mais on me respecte ici et là comme un enchanteur qui connaît son lot de secrets, je suis connu jusqu’à la grande cité de la montagne sous le nom de Barry le Blanc et j’ai siégé à la table de bien des rois ! »
Et alors qu'ils partageaient leur souper, Ydrin aux armes bleues ne devina pas qu'il était la raison de la présence de l'enchanteur blanc en ces terres... Car seule la sagesse de sire Barry pourrait le sauver de la périlleuse aventure l'attendant au tertre de la montagne.