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Chant Troisième

C’est à Dwyrmilin même qu’Ydrin accosta en terre des hommes, il avait voyagé léger et n’emportait pour tout bien qu’une tunique bleue, quelques provisions de route et une pipe taillée dans un bon pin. La première chose qu’il vit de Dwyrmilin était un mendiant, il l’approcha curieux et lui demanda :

 

« Ami que fais tu séant sur la pierre dure et froide du quai ? »

 

L’homme lui demanda l’aumône, ce qui ne manqua pas de surprendre le jeune homme tant il n’y avait nul mendiant dans les îles des géants.

 

« Il serai bien bête de te donner à peine de quoi subsister un jour au plus, je n’ai d’ailleurs pas grand-chose à moi aussi écoute bien. Il y a juste au bout du quai un bateau qui tient fort bien la mer, il a une voile blanche comme l’albatros et à son bord tu pourra pêcher plus qu’il ne te faudra pour te nourrir, prends-le car je n’en ai plus le besoin. »

 

L’homme n’en cru pas ses oreilles et demanda à Ydrin quel était son nom, celui-ci le lui révéla sans faire de mystères et quitta le mendiant en le recommandant aux puissances régissant les eaux et les vents. Continuant à déambuler dans les rues populeuses Ydrin s’émerveillait de toutes ces choses nouvelles, arrivant sur la place du marché il trouva une vieille assise près de la fontaine, elle semblait épuisée.

 

« Holà vieille femme, tu semble dans la peine ; quelle est la cause de tes tracas ? »

 

La vieille lui montra un fagot de bois de belle taille à côté d’elle et massa son pauvre dos bossu, il n’en fallut guère plus à Ydrin pour partir d’un rire puissant et s’accommoder du fagot sur une épaule comme s’il s’était agi d’un simple fétu de paille.

 

« Allons la vieille, montre moi le chemin de ta maison et je t’accompagnerai bien volontiers. »

 

Ils cheminèrent jusqu’à l’échoppe d’un forgeron dont le toit était fait d’ardoise noire comme la nuit, il régnait là un tintamarre de tous les diables quand la vieille et Ydrin arrivèrent. Pas ingrate la vieille offrit une miche de pain et une soupe au porteur qui fut ravi de pouvoir manger chaud après tant de jours de mer. Comme Ydrin semblait bien naïf la vieille entreprit de l’instruire de quelques choses sur la cité.

 

« Jeune homme tu es à Dwyrmilin qui fut autrefois le castel de Drewen le Roux auquel nul ne s’attaquait tant la frayeur était grande qu’il n’appelât son cousin le Géant des Iles à la rescousse ; mais Edenar du Royaume de l’Est était si téméraire qu’il s’empara quand même de ce fief et des terres en dépendant, c’est sans mentir le chevalier le plus hardi de tous les royaumes des hommes. Edenar a octroyé ce fief à son sénéchal Jan le Sonneur, c’est lui aussi un chevalier de grand renom et il n’aime rien tant que son fils Verdian qui fait ses armes en ce moment même. »

 

Ydrin se décida sans tarder et ayant fini son repas quitta la vieille et le forgeron en leur souhaitant les bienfaits des puissances régissant la terre et le feu ; d’un bon pas il monta alors la route conduisant au castel Dwyrmilin. C’était là une belle forteresse aux murs lisses et hauts, arrivé à la barbacane il s’adressa au piquier de garde.

 

« Salut  à toi soldat, je désire voir le maître de ce château car je veux à tout prix devenir écuyer. »

 

L’homme était un vétéran de bien des guerres et observa le jeune homme d’un œil attentif, puis enfin il lui fit une réponse.

 

« Ne deviens pas écuyer qui veut, as-tu quelque recommandation ou titre de noblesse qui t’ouvrirai les rangs de la chevalerie d’abord ? »

 

Ydrin se rappelait bien la promesse qu’il avait fait au Géant des Iles et se garda bien de répondre là-dessus.

 

« Hélas je ne peux rien te dire là-dessus soldat, mais je suis sûr que ton seigneur est un homme sage, il saura juger de ma valeur aussi mène moi à lui je te prie. »

 

Le piquier trouva le propos impertinent et la discussion le mit de fort méchante humeur, il entreprit alors de chasser le garçon voir de le rosser quand celui-ci s’entêta. La rixe fut de courte durée, même sans arme le jeune Ydrin avait appris la lutte avec des géants aussi fut il prompt à renverser le poids de son adversaire contre lui-même, le piquier bascula cul par-dessus tête et alla plonger dans les douves ; toute cette agitation ne manqua pas d’alerter d’autres gens alentours et bien avant qu’il n’ai pu dire ouf le jeune homme se retrouva entouré d’hommes en armes. Attiré par le bruit des armes, le seigneur du château arriva à son tour. Jan le Sonneur était un homme petit et trapu à qui la guerre allait mieux que la gestion d’un fief, il trouva que l’alarme de ses gens était bien disproportionnée quand à son origine.

 

« Eh bien, qu’est-ce donc là ? Toute l’armée du Géant des Iles à coup sûr ! Aurai-je tant à craindre qu’un jouvenceau s’en prit à ma personne ? Dis moi gamin pourquoi jettes-tu mes gens à la baille comme le vent furieux ? »

 

Ydrin reconnut que tout cela n’était pas dans son intention et satisfait d’avoir enfin affaire à un homme portant les éperons et l’épée, il se remit d’aplomb et réitéra sa demande sans façons. La chose était cocasse et le maître des lieux fut ravi d’avoir matière à se distraire de son ennui des derniers mois.

 

« Voilà une bien plaisante histoire jeune valet, je dois reconnaître que tu as le bras vigoureux mais cela ne suffit pas à faire un chevalier ; néanmoins je te prendrai à mon service pour que tu soigne le cheval de mon fils. »

 

Ydrin aimait grandement les chevaux et ne voyait pas dans la tâche de palefrenier un quelconque déshonneur, il accepta avec entrain et fut dirigé vers les écuries ; ainsi Ydrin entra dans la chevalerie par la petite porte.

Le fils du seigneur, Verdian était un jeune homme impulsif à qui tout était du ; faisant ses armes il malmenait grandement les montures qui plus que supporter le poids de son haubert devaient ployer sous celui de son orgueil. Ydrin n’était pas sûr de bien aimer les manières du jeune maître mais il fit preuve de loyauté comme le demande l’honneur, au bout de quelques mois tout cela commença tout de même à l’ennuyer. Afin de parachever ses armes, Verdian se devait de rencontrer d’autres chevaliers lors d’un tournoi, Ydrin ayant bien servi le seigneur Jan le nomma donc écuyer de son fils ; ils s’en furent tous deux sur les chemins menant à Ledenham, le fief d’un seigneur voisin où devait avoir lieu le tournoi. Mais voilà que sur le chemin Verdian s’ennuyant à mourir s’emporta contre sa pauvre monture, le cheval prit un coup de badine de trop et rua de belle façon, envoyant le jeune seigneur atterrir dans les ajoncs piquants. Ydrin s’élança et sortit son maître blessé des buissons piquants, mais plus qu’écorché, Verdian était blessé de fort méchante façon au bras devant tenir la lance. S’apercevant de cette catastrophe Verdian sombra dans la détresse car il s’agissait du jour où il ne devait pas faillir ; Ydrin prit en pitié le jeune homme que son fol orgueil avait subitement abandonné et le réconforta.

 

« Il n’est pas possible que vous faillissiez aujourd’hui seigneur, aussi si vous y consentez je revêtirai vos armes et combattrai en votre nom. »

 

Verdian s’empressa d’accepter tant son désespoir était grand, Ydrin le mena donc jusqu’à un manoir proche pour qu’il y fut alité et soigné ; usant d’un habile subterfuge Ydrin revêtit les armes de Verdian dont la couleur était le bleu de l’océan et chevaucha vers le lieu du tournoi.

Il y avait là la fleur de la chevalerie de ce temps ci l’on omet les seigneurs de guerre tels que le roi Edenar ou son sénéchal  Jan le Sonneur, Il eu suffit à Ydrin de l’emporter sur un seul adversaire pour satisfaire au vœu de son seigneur, mais son sang bouillait d’enfin porter les armes et il ne s’arrêta pas en si bon chemin. Lorsqu’il ne faisait pas verser les étriers à son opposant, Ydrin plaçait son bouclier de façon à briser sa lance, la joute se poursuivait alors à l’épée et nul chevalier ne s’y entendait plus que le jeune homme en tours d’épée. Il en fut tant et si bien qu’Ydrin remporta le tournoi avant la tombée du jour, approchant de l’estrade royale il s’agenouilla devant le roi Edenar qui lui demanda.

 

« Chevalier tu as combattu bravement et avec brio, il est de coutume que j’accorde un souhait au champion du tournoi, dis moi quel est le tien. »

 

Ydrin ne convoitait rien des trésors temporels de ce monde et parla fort naïvement.

 

« Mon roi avec votre reconnaissance il ne manque plus qu’une chose pour faire mon bonheur, en vérité ce serai de croiser le fer avec le plus grand des chevaliers de ce temps. S’il plaisait à sa majesté de m’accorder ce don alors il n’est rien que je n’accomplirai pour le satisfaire. »

 

Beaucoup des belles dames et hauts seigneurs de l’assistance furent outrés par l’impudence de la demande du chevalier, Edenar en fin guerrier avait estimé l’homme sous l’armure et sourit sans prendre ombrage de sa demande.

 

« Il ne serai pas bien courtois de ma part de m’inviter au tournoi que j’organise chevalier, aussi peut-être cela sera-t-il pour une autre fois. Cependant j’aimerai savoir quel est ton nom. »

 

Ydrin avait l’esprit vif et en se relevant garda bien son heaume en place, sans mentir il déclama :

 

« Je suis le chevalier qui porte les armes bleues et ces armes sont celles de Verdian fils de Jan le Sonneur. »

 

Ainsi Ydrin se remit en selle et quitta le tournoi pour retourner auprès de Verdian qui était cruellement blessé, dès qu’il fut rétabli les deux jeunes gens s’en retournèrent vers Dwyrmilin. Partout dans le royaume se répandit la nouvelle que le chevalier aux armes bleues avait remporté le tournoi de l’automne, Verdian en était bien aise et commença à songer à son arrivée au château de son père. Jan le Sonneur était si fier de  son héritier qu’il fit sonner les cloches de la ville et partit avec ses vassaux à la rencontre de Verdian, ils se rencontrèrent dans la plaine verdoyante alors que le temps tournait au chagrin.

 

« Voyez venir seigneurs de Dwyrmilin le vaillant Verdian aux armes bleues, car sans mentir il fait l’orgueil de sa lignée en ce jour béni des puissances. »

 

Chacun y alla de sa louange et la compagnie s’en retourna vers la ville, chevauchant en tête, Jan et son fils discutaient plaisamment.

 

« Raconte moi chair de ma chair comment tu as décroché les lauriers de ce tournoi et n’omet aucun détail car j’en suis friand. »

 

Verdian eu fait un bon ménestrel tant était grand son art d’imaginer de hauts faits d’armes, il ne manqua pas de conter comment il avait vaincu et était adroit à l’épée, puis lui vînt une bien méchante idée…En effet il savait que si son écuyer venait un jour à entrer dans l’ordre de la chevalerie il serai alors un rival des plus ennuyeux, voilà pourquoi feignant la douleur il tînt ce langage.

 

« Hélas noble père par la faute de mon écuyer j’ai fait une bien mauvaise chute de cheval et me suis blessé, voyez comme mon bras me fait encore souffrir ; aussi me serait il plaisant de trouver un autre valet pour s’occuper de mes armes et mon cheval. »

 

Jan fut attristé par la nouvelle et se tourna vers Ydrin qui chevauchait par derrière.

 

« Jeune Ydrin est-ce là la façon dont tu prends soin du champion du tournoi ? En vérité tu repaies bien mal celui qui t’abrite à l’ombre de sa gloire. »

 

Le sang monta au visage d’habitude si pâle d’Ydrin et pourtant il maîtrisa le ton de sa voix.

 

« Il est vrai que le cheval de maître Verdian le repaya d’une partie des bons soins que celui-ci lui prodigue de coutume, mais je suis bien étranger à ce fait. »

 

Le seigneur de Dwyrmilin fut bien fâché par la réponse du jeune écuyer.

 

« Prends garde à tes paroles valet car si tu insinues que mon noble fils ne dit pas pure vérité alors je pourrai bien te rosser de vilaine façon ! »

 

Les poings d’Ydrin se resserrèrent sur les rennes de son cheval et il affronta le regard de Jan le Sonneur.

 

« Je ne dis que ceci seigneur, la vérité est comme le soleil et finit toujours par poindre à l’horizon. »

 

Sentant que la querelle pourrai bien s’envenimer et révéler les talents de guerrier de son écuyer, Verdian fut bien malin et coupa court à l’incident d’un air aimable.

 

« Allons messire mon père, tous au château savent qu’Ydrin s’y entend mieux avec les chevaux qu’avec les gens. Aussi s’il estime que mon cheval est mal dressé mieux vaut-il qu’il s’en occupe dans les écuries comme palefrenier et que continue ce jour de fête. »

 

Jan le Sonneur trouva quelque sagesse dans les paroles apaisantes de son fils, recomposant son visage il lui céda.

 

« Et bien qu’il en soit ainsi, que les palefreniers restent avec les chevaux et les gens de bonne compagnie entre eux. »

 

Ainsi Jan le Sonneur, sénéchal du roi Edenar scella t’il le destin d’Ydrin en le renvoyant comme garçon d’écurie…Ou du moins le croyait-il.

Page vue 54 fois, créée le 05.09.2007 23h09 par guinch
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