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Chant Deuxième

Le royaume du Géant des Iles couvrait de nombreuses terres fertilisées par les embruns salés de l’océan, il y avait là de nombreux troupeaux de moutons et des pommiers par milliers ; dans les caves des manoirs vieillissait un breuvage au goût de bois et de l’océan comme peu d’hommes en ont goûté.

C’est dans ce royaume en paix que vînt accoster le bateau d’Ulinor la blonde, elle était accompagnée d’une vingtaine de servantes et les cales du navire étaient quant à elles chargées de tapis, d’or et d’argent ; une véritable rançon de roi. On vit la voilé blanche briller au soleil de loin dans le royaume des géants et tout un chacun se rendit à sa rencontre.

Le premier sur le quai fut le Géant des Iles lui-même, portant ses armes vermeilles et son casque couronné de nacre il fit le meilleur des accueil à sa petite cousine ; c’était un homme plus grand qu’un arbre et au torse de taureau puissant, sa barbe était aussi rousse que les cheveux du père d’Ulinor et ses yeux rieurs à souhait comme ceux des hommes de bien. Mais nul dans le monde entier n’ignorait que sa fureur à la guerre était sans pareille bien qu’il détestât l’ouvrage de la mort. Sa voix était celle d’un beau ténor, quand Ulinor eu finit une révérence pleine de grâce timide il rit aux éclats et la prit dans ses bras.

 

« Belle enfant quel bonheur que de vous revoir enfin, nous nous demandions bien quand vous daigneriez rendre visite à vos parents des îles ; c’est jour de fête que celui-ci, et que de beaux présents vous amenez avec vous ! »

 

Après un tel accueil Ulinor n’eu pas le coeur à s’inquiéter de l’absence de son père, elle cacha son inquiétude au fond d’elle-même et fit aussi bonne figure qu’il était possible de faire. Le Géant des Iles la fit monter au devant de son propre destrier pour la conduire à travers les rues de la ville, partout les gens acclamaient le cortège tant ils aimaient leur souverain et prospéraient sous son règne.

 

« Regardez braves gens car voici la belle Ulinor aux cheveux d’or pur tressés, elle est la fille ne notre cousin bien aimé Drewen le Roux qui vit au-delà du bras de mer nous séparant du continent ! Quel beauté, quel plaisir enfin est le notre ! »

 

Si l’accueil au port avait été faste, celui en la forteresse du seigneur des îles fut meilleur encore, on baigna les pieds des invités avec l’huile, on les vêtit de soie colorée, de manteaux de laine brodée et on les parfuma d’eau de fleurs. Quand chacun fut reposé on s’assembla dans la salle de banquet d’où l’on pouvait voir le vert des prairies tout comme le bleu de l’océan. La collation commença avec des fruits et du miel accompagnés d’eau claire et de liqueur locale, c’était là un mariage savoureux que du fromage frais et de bon pain blanc firent perdurer. Hôte aimable, le Géant n’en était pas moins avide d’en apprendre plus sur les nouvelles de la grande terre.

 

« Belle enfant dîtes moi comment se porte mon cousin Drewen le Roux, aime t’il toujours autant les oiseaux ? »

 

Ulinor eu du mal à ne pas défaillir à cette question tant elle espérait que son père l’ait précédée, ne pouvant pas omettre une telle nouvelle à son hôte elle répondit affligée.

 

« Hélas monseigneur je croyais en venant ici le retrouver en votre compagnie, mais il m’apparaît qu’il n’est point en vos terres. »

 

Le Géant des Iles fut surpris et touché par le malaise de sa parente, il tenta d’être rassurant et continua à sourire.

 

« Eh bien c’est qu’il flâne en route, connaissant le bonhomme il doit prendre grand plaisir à pêcher et à se régaler de poissons grillés ; la mer n’est pas mauvaise en cette saison et il n’y a pas de quoi s’alarmer, de plus il me plaît de croire que tout va bien en votre pays tant vous m’avez gâté de présents somptueux. »

 

Ulinor savait son grand cousin sage et entreprit de lui révéler toute la vérité sur les évènements l’ayant amenée dans son royaume.

 

« Ces présents sont ceux d’Edenar de l’Est, nouveau suzerain de nos terres et preux chevalier ; il souhaite vous assurer de son amitié et de l’attachement qu’il conçoit à mon égard. Nous avons eu mon père et moi quelques querelles avec lui auparavant mais ce n’était que malentendus coutumiers au peuple des hommes. Je vous conjure d’accepter ces preuves de son respect et de ne pas faire cas des fâcheux évènements qui ont conduit mon père Drewen le Roux à faire voile vers votre royaume pour quérir votre bras puissant. »

 

Le Géant des Iles hocha la tête d’un air entendu, vénérable il était au fait des us et coutumes des hommes aussi il ne s’alarma pas de trop.

 

« Sincèrement je souhaite que cette amitié nouvelle perdure, mais je ne peux envoyer de réponse à Edenar tant que je ne saurai mon cousin ici en sécurité ; par devoir envers nos ancêtres je ne saurai être en paix avec Edenar si sa bêtise a précipité mon cousin dans quelque tracas que ce soit. Mais il suffit pour de tels propos, j’espère que Drewen le Roux saura trouver son chemin sans encombres jusqu’à notre royaume et ainsi tout sera pour le mieux. »

 

Depuis ce jour le temps passa comme une fête dans le beau royaume des îles, chaque jour avec son lot de bonheurs ; mais un voile gris s’étendit sur le ciel et la pluie commença à tomber, l’automne approchait et toujours pas de voile à l’horizon ; quand enfin les feuilles des arbres tombèrent Drewen le Roux n’avait toujours pas rejoint le royaume de son cousin. Ce fut l’hiver, la musique, les chants et les jeux retinrent les habitants du royaume des îles près de l’âtre tard le soir ; la mer devînt noire et ses vagues furieuses léchaient les falaises de pierre rouge…Le Géant des Iles se fit inquiet et alors qu’un soir il lisait avec ses chiens au coin du feu, il fit mander sa jeune parente dont le ventre ne cessait de s’arrondir au fil des semaines.

 

« Mon enfant le temps ne nous a pas apporté la réponse que nous attendions aussi j’ai envoyé des messagers dans tous les royaumes bordant la mer afin de s’enquérir de la santé de mon cousin Drewen le Roux, j’attendrai aussi longtemps que la sagesse me le dictera mais si au terme de l’été prochain nulle nouvelle ne m’est parvenue alors je traverserai moi-même les eaux pour réclamer ma parenté. »

 

La naissance de l’enfant d’Ulinor et d’Edenar survînt aux premiers bourgeons, c’était un fort garçon qui ravit le cœur de tous au royaume des îles. Au moment de le baptiser sous la voûte étoilée, le Géant des Iles fit quérir une sorcière habitant une île loin au sud de son royaume ; la vieille vînt et consulta les envoyés des puissances afin que chacune d’entre elles donnât une lettre du nom de l’enfant. C’est ainsi que lui fut donné le nom d’Ydrin, un bon présage car Ydrin était le mot de la langue des géants pour désigner la valeur. Le garçon grandit vite, il avait le cheveux et le sourcil sombre comme le corbeau ; il était bien bâti et marcha très tôt, presque aussi tôt il su monter à cheval et on le surnomma alors le petit géant. Mais tant de bonheur ne pouvait durer longtemps, il arriva que la belle Ulinor affaiblie par la naissance attrapa une maladie qui n’allait pas en s’arrangeant avec l’arrivée des beaux jours ; tant et si bien qu’elle mourut avant l’été. Le Géant des Iles en conçut une tristesse immense, au fil des mois tous ceux qui l’avaient approchés avaient appris à aimer la douce Ulinor aux cheveux blonds. Accablé de chagrin il n’eu plus alors à cœur que de faire le bonheur du jeune Ydrin sans autre considération aucune. Il n’y eu pas de guerre.

Le Géant des Iles était le meilleur des seigneurs ayant vu le jour sur cette terre, il instruisit aussi bien qu’il pu le jeune Ydrin, lequel apprenait à une vitesse stupéfiante. A l’âge de quatre ans l’enfant était déjà lettré, à l’âge de sept ans il sut chasser, et à l’âge de neuf ans il commença à porter l’épée. Mais ce qui fit le nom d’Ydrin parmi les géants ce furent ses talents de cavalier. Car il est vrai que l’enfant monta à cheval presque en même temps qu’il apprit à marcher, il n’y avait rien lorsqu’il vit son dixième anniversaire qu’Ydrin ne put monter, et la plupart du temps sans harnachement aucun. Le Géant riait beaucoup et aimait à passer du temps avec celui qui prit la place du fils qu’il n’avait pas dans son grand cœur, mais Ydrin restait tout de même un peu étranger au bonheur du royaume des géants, quelque chose dans ses yeux du bleu de l’océan était glacé, quelque chose dans sa bouche pleine et gracieuse laissait transparaître une mélancolie sans âge. L’enfant devenant homme, le Géant décida de l’instruire des choses de la guerre, non plus à l’aide d’épées de bois ou de javelots mais avec l’acier dont on fait les lances.

Quelque fussent dures les leçons le garçon s’acharnait jusqu’à l’excellence, il apprit en peu de temps tout ce qu’un homme doit savoir des arts de la guerre, jusqu’aux tours d’épée des chevaliers les plus aguerris parmi les géants. Si Ydrin le jeune n’avait pas la force de ces derniers il les bâtait en adresse et en vitesse, c’est le jour des quinze ans d’Ydrin que son tuteur s’aperçut qu’il n’avait plus rien à lui apprendre. Le jeune homme était las de chasser ou de pêcher, il tentait bien que mal de faire bonne figure aux aimables gens qui l’entouraient mais ses yeux restaient fixés à l’horizon ; plus il gagnait en âge et plus le Géant reconnaissait douloureusement la parenté d’Ydrin avec la douce Ulinor sa mère, qu’il n’avait connu que fugitivement. Un matin d’automne il emmena Ydrin avec lui pour chevaucher jusqu’aux falaises, là il lui ouvrit son cœur.

 

« Bel enfant je t’aime de tout mon cœur mais je vois bien chaque jour un peu plus qu’il te coûte de rester auprès de moi, bien que parents nous appartenons à deux mondes différents et tu te languis du peuple des hommes auquel tu appartiens. Je tiens à m’assurer que tu deviendra un homme de bien aussi te faut il apprendre la dureté des taches laborieuses, je te donnerai ce dont tu as besoin afin que tu fasse ton apprentissage dans un royaume de l’autre côté des flots ; bien que tu n’aies pas à rougir de ton lignage tu n’en entretiendra personnes et fera comme il te sera commandé de faire, ce n’est qu’en servant comme écuyer que tu deviendra un chevalier digne du nom des tiens. Voilà ce que j’avais à te dire mon enfant, tu partira quand bon te semblera. »

 

Quelle que fut sa tristesse à l’idée de quitter celui qui avait été tout pour lui, Ydrin n’hésita pas un instant et demanda à partir le lendemain ; ce fut le peuple entier qui comme à l’arrivée de sa mère des années plus tôt se massa sur les quais du port pour dire adieu au petit géant. Grand était le courage d’Ydrin mais il n’y a pas de mal à verser des larmes pour les gens que l’on aime, c’est le cœur gros que le jeune homme vit s’éloigner les îles de son enfance.

Page vue 56 fois, créée le 05.09.2007 23h08 par guinch
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