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Punition

Piotr tentait de cacher ses mains, ses mains qui tremblaient ; assis là au milieu des Rangers de la compagnie Bravo, les boys de Dane, l’élite du central terrien. Redescendu de son ingestion massive de fée verte et tout juste décongelé il avait appris la mauvaise nouvelle, sa ré-affectation à la compagnie Bravo…Aucune médaille, aucune promotion ne valait ça ; d’après les scientifiques on ne rêvait pas en sommeil cryogénique mais Piotr avait rêvé lui, toujours le même cauchemar : des couloirs enflammés hantés par des géants en armure bleue, le hurlement des mourants résonnant dans ce labyrinthe sans fin. Tous massacrés au couteau ou brûlés vifs par ces créatures sauvages de transgéniques, le chien de guerre créé par l’homme s’était finalement retourné contre son maître pour le mordre.

Mais le maître allait réagir, le croiseur Liberté à la tête de la troisième flotte se ruait sur Concorde, la deuxième flotte ne tarderait pas à le rejoindre pour prendre l’ennemi à revers…Dane avait tenu un discours enflammé aux hommes et d’après ses mots, la riposte serait exemplaire. Les vaisseaux étaient gavés de soldats et de blindés, il y avait même des bombardes nucléaires, la légion des rédempteurs de Tau Ceti avait aussi envoyée ses abominations cybernétiques ; malgré tout ce déploiement de force Piotr savait que les transgéniques ne cèderaient jamais, il les avait vu faire, il avait vu la rage de l’animal assoiffé de sang danser dans leurs yeux.

Piotr ne voulait pas aller là-bas, il ne voulait plus y retourner ; enfoncé dans sa Hawker il évitait tout contact avec les autres Rangers, il tentait fiévreusement de trouver un plan, une idée quelconque qui le ferait échapper à ce massacre titanesque. Rien, son esprit affolé tournait en rond, il n’y avait rien qui pourrait le sauver pas même dieu ; il allait devoir encore une fois mesurer sa sauvagerie et son instinct de survie à celui de l’ennemi, mais cet ennemi était gâté question instinct et cette fois-ci Piotr se sentait vidé de toute ressource.

 

L’immense croiseur Liberté était d’un calme inquiétant, sur les moniteurs les membres d’équipage pouvaient assister aux opérations préliminaires, les défenses spatiales de la planète ne tiendraient pas dix minutes face à la puissance de feu de la flotte, dansant follement, les carcasses se vidaient de leur air, déchirées de part en part par les missiles où encore les tirs des accélérateurs magnétiques ; les vaisseaux terriens se ruaient en avant, tirant dans le tas, ne laissant aucune chance à l’ennemi, les seules pertes furent deux frégates avant qui explosèrent sur des mines, ces fous de transgéniques avaient bourré leurs bâtiments de mines !

Piotr déglutit difficilement devant un tel spectacle, la bile lui raclait la gorge, les blagues insouciantes des soldats autour de lui le rendaient fou de rage, mais il se taisait, il observait à la recherche du salut, de l’espoir ; il n’y en avait aucun, il n’y avait qu’une guerre dont la seule issue possible était la mort.

Avec leur champ de mines , les transgéniques avaient cependant retardé l’inévitable échéance, Piotr mourrait plus tard, il se leva quand l’alerte débarquement fut annulée et se précipita aux toilettes pour vomir encore une fois.

 

Sur la passerelle du Liberté le général Ashley Dane, membre du conseil de sécurité de la Confédération Centrale Terrienne observait les opérations, trop d’explosions, pas assez d’avance, il prendrai dur retard sur le programme, c’était hors de question. Passant un doigt distrait sur ses lèvres il se tourna vers l’officier des communications, un rouage tout comme lui, sa voix aux intonations parfaitement maîtrisées fit sursauter le jeune officier.

« Etablissez-moi une ligne directe avec le Fléau. »

Déglutissant difficilement, le responsable communications laissa son entraînement penser pour lui, ne jamais discuter, toujours obtempérer à l’ordre d’un supérieur.

« Ligne établie monsieur. »

Dane ferma ses yeux quelques secondes et soupira, puis il reprit le terrible enchaînement de mots et de gestes qui mettrai fin à Exodus, ou du moins à Exodus tel qu’il l’avait conçu.

« Ici le général Dane, exécutez le protocole Chimère. »

Le capitaine du Fléau ne douta pas, il suivit juste la procédure concernant tout déploiement d’arme de destruction massive.

« Ici Fléau, veuillez confirmer mon général. »

Dane fit un geste désinvolte de la main en direction de l’officier armement, quelques secondes plus tard toutes les pièces d’artillerie du Liberté se mirent à pilonner Concorde, le général terrien retourna son attention vers l’écran des communications.

« Je confirme fléau, exécutez protocole Chimère, autorisation Dane, le code est  november, whiskey, october zéro-trois. Exécutez à mon commandement. »

Une foule de petits champignons jaunes et rouges fleurissaient à la surface de Concorde, lorsque Dane abaissa la main, le tir cessa ; puis solennellement, dans le silence d’une passerelle tendue il s’assit dans le fauteuil de commandement.

« Maintenant Fléau. »

Le petit bâtiment blindé, un cuirassé s’approcha de la première ligne ; les terriens comme l’ennemi réduit au silence purent voir les petites étincelles bleus jaillir de son ventre pour entrer dans l’atmosphère de Concorde, des capsules contenant la mort elle-même. Le timonier du Liberty ne cacha pas sa jubilation malsaine.

« C’est ça, qu’ils règlent ça entre-eux, monstres contre monstres. »

Dane laissa faire, beaucoup des membres d’équipage du Liberty avaient perdu des proches dans l’explosion du site de recherche d’Hydron ; aujourd’hui c’était à son tour, ses enfants affrontaient ses enfants ; il ne pouvait que ressentir un peu de tristesse, tout était à refaire encore une fois.

« Que toutes les unités d’assaut se tiennent prêtes, largage après délai de quarantaine dans soixante-douze heures. »

Le grand homme d’origine amérindienne se retourna et se prépara à quitter la passerelle, il devait faire son rapport…C’est à ce moment que l’officier Radar se retourna.

« Monsieur contact ennemi sur référentiel C/43°/-10° ! »

Tous les défenseurs avaient été balayés du ciel de Concorde, mais un retardataire était arrivé, approchant dans l’ombre de la planète, fine manœuvre qui pourtant ne suffirait pas à le sauver ; Dane réprima un  sourire de satisfaction et donna l’ordre d’interception, deux frégates de poids équivalent mais sûrement bien plus modernes que le transporteur colonial se détachèrent du groupe de combat terrien pour partir à la rencontre des transgéniques.

Le feu de leurs fusées d’impulsion aveugla légèrement les spectateurs avides de toute destruction, en face, le point lumineux qu’était le transporteur ennemi ne se défilait pas, il semblait lui aussi foncer au face à face, usant pour cela de la basse orbite de Concorde. Mais ce transporteur sans nom pour les terriens était le vaisseau colonial Foudre, et il n’avait pas dit son dernier mot même si son équipage était conscient de sa destruction imminente les terriens avaient oublié une chose : « Un milicien accomplit toujours sa mission. »

L’espace fut encore une fois le théâtre d’un affrontement sanglant, un de plus ; partout les explosions de petite ampleur fleurirent, ce fut très bref. La Milice perdit ce jour là un transporteur de plus et la flotte terrienne deux frégates.

 

Ballotté en tous sens par la rentrée en atmosphère, Lieutenant écoutait les craquements lointains, il imaginait le Foudre déchiré de part en part, il imaginait le visage du timonier, le visage de son ancien Caporal ; ses poings se crispèrent à faire mal…Prenant une inspiration il se força au calme, la situation au sol serai bien plus désastreuse. La capsule furtive était une étoile filante, chauffée à blanc par la friction avec l’air de Concorde, ses huit sœurs suivaient elles aussi leur route, elles déchirèrent alors les nuages et surplombèrent le théâtre de l’enfer, le continent était surplombé par la fumée, même de si loin les colonnes étaient visibles ; les capsules s’enfoncèrent alors dans les flots verts sombres de l’océan.

Elles restèrent là, flottant, indécises un certain moment, puis les boulons explosifs de leurs sas éjectèrent les lourdes portes, dans le hurlement des réacteurs les neuf armures Mark-3 firent cracher leurs jetpacks pour s’envoler, l’autonomie en atmosphère fut à peine suffisante pour que le petit groupe de combat de Lieutenant arrive à trouver un île où se poser.

 

 

Page vue 59 fois, créée le 06.09.2007 00h38 par guinch
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