Struggle for life

Après deux mois de voyage le Foudre arriva à destination, un nulle part au milieu de l’espace profond, Fort-Cimetière. Le Foudre patienta longtemps en dehors de l’immense champ de mines entourant la forteresse spatiale des Miliciens, la configuration des défenses changeait constamment et seul le vaisseau pilote du port savait comment le passer, tout vaisseau se risquant à approcher trop prêt était pulvérisé, les mines étaient des instruments barbares au fonctionnement simple et au prix modique, leur seul fonction étant d’exploser et d’envoyer du Shrapnel percer les coques des vaisseaux à l’extérieur du périmètre de défense, elle flottaient telles de noires méduses guettant le poisson assez fou pour se glisser entre elles.

Le vaisseau-pilote était un vieux chasseur à court rayon d’action comme on en utilisait encore durant la conquête de l’espace, une navette utilitaire aménagée avec un pauvre canon laser et quelques lance missiles dont les munitions n’étaient même plus fabriquées aujourd’hui, sur son fuselage était encore lisible le numéro de série X-35 et un drapeau inconnu parlant d’états unis.

Le Foudre manœuvra dangereusement, passant à peine au travers du barrage invisible parsemé d’épaves de toutes sortes ; quand enfin il sortit du champ de mines, la vision de Fort Cimetière se profila dans le lointain ; le grand bâtiment noir était presque invisible, d’après la légende il fut construit à partir de l’épave du vaisseau Espoir, puis recouverte de plaques lisses destinées à masquer sa signature radar tant que possible, il n’apparaissait pas du tout aux détecteurs thermiques du Foudre. Le contrôle d’accostage transmit les données télémétriques nécessaires à l’arrimage avec la gigantesque station, le Foudre donna une ultime poussée avec ses rétrofusées et finit sa course dans les bras du quai d’amarrage. Major connaissait les règles, une fois équipé de sa peau de fer il  rejoint ses cadets alignés en rangs devant le sas de transit.

« Vous pénétrez dans le royaume du silence, il n’y a qu’une règle ici. »

Derrière lui la porte s’ouvrit et deux Miliciens en peau de fer entrèrent à leur tour ; ils intimèrent l’ordre aux cadets de les suivre ; Major s’empara de la boîte noire du Triomphant et des enregistrements des caméras de tous les miliciens étant entrés à bord de l’épave puis passa le seuil à son tour, il descendit lentement vers le sol et la gravité reprit ses droits.

Major suivit scrupuleusement le trajet indiqué par son afficheur tête haute, il finit par entrer dans l’antichambre du Milicien Général ; une pièce carrée de grande taille où des encoches avaient été faites sur chaque surface, chaque encoche était un mort…Les deux gardes de l’entrée étaient revêtus d’un armure bleue nuit de modèle inconnue de Major, les certitudes disparaissaient vite à Fort Cimetière, même pour l’ancien ; la lourde porte de sécurité se sépara en deux parties pour s’ouvrir, Major entra dans la salle de guerre ; la majeur place était occupée par la banque de données, des colonnes de verre à l’intérieur desquelles s’affairaient des robots manipulateurs pour sélectionner tel ou tel enregistrement, les murs eux étaient ornés d’antiques étendards du Central Terrien datant de l’époque où il était encore composé par des états internes ; le Milicien Général trônait au centre de tout cela. Le trône était en fait une cuve blindée octogonale reliée à six supercalculateurs, le Milicien Général flottait au milieu de la cuve, c’était un cerveau rosâtre d’une taille inhabituelle, sûrement du poids d’un bœuf. Les caméras de la salle se focalisèrent sur Major ; l’écran géant laissa s’afficher les caractères d’un vert lumineux, la parole silencieuse du Milicien Général.

« PARLE. »

Major posa la boîte noire sur le sol et la connecta patiemment à l’interface du Milicien Général, puis il y chargea les disques d’enregistrement de la mission de Delta Pavonis ; se relevant et reculant il prit la posture de repos, bras dans le dos, jambes légèrement écartées, regardant droit devant lui il commença son rapport.

« Les terriens semblent développer une nouvelle arme biologique mon Général, toutes les informations que j’ai pu recueillir sont à votre disposition. »

Les voyants de chargement de tous les ordinateurs s’affolèrent, les robots de la banque de données recherchèrent toutes les références possibles ; de nouveaux mots apparurent sur l’écran.

« SENTIMENTS ? »

Major ne compris pas et se concentra sur ses souvenirs de la mission, puis il analysa froidement ce qu’il avait ressenti.

« Avec du recul je note que je ne suis pas le seul de mon équipage à avoir eût une prémonition, une sorte d’empathie avec les créatures cachées dans l’épave mon Général. »

Les calculs ne continuèrent guère longtemps, l’écran afficha un dernier message.

« DISPOSE EN ATTENTE DE NOUVELLES INSTRUCTIONS. »

Major sortit en commençant à faire le lien avec les calculs et analyse auxquelles devait se livrer le Milicien Général, il se doutait de quelque chose, quelque chose qui allait arriver ; Griffon chassa ces pensées de son esprit, il devait faire tout autre chose en attendant les ordres, il se dirigea vers la crypte.

La crypte était un immense atelier où étaient stockées les Sweïzer mark 3 en attente de réparations, aucune des mark 3 n’était un modèle standard, depuis des générations elles étaient constamment modifiées par leur propriétaires, jusqu’à ce que le suivant ne change encore d’autres parties : les Mark 3 étaient suspendues par les attaches d’épaules au milieu de l’immense hangar, les murs eux servaient de réserve à pièces détachées…Mais ce n’était pas un bazar, oh non.

Les cadets attendaient, formant un rang unique face à un même rang d’armures bleues endommagées. Major s’arrêta, derrière chaque armure se tenait un Milicien vétéran de sa brigade ; le Milicien Général avait vraiment un plan particulier alors…Oui le vaisseau à côté du Foudre était bien L’indépendance, le Capitaine et toute le troisième Brigade devaient donc être là ; une autre campagne, mais les enjeux devaient être de taille. Major marcha jusqu’à un rack pour armure vide et prit le temps de sortir de sa peau de fer, il n’enfila rien et alla au devant de ses cadets.

« C’est la dernière épreuve tant attendue ; derrière moi se trouve le droit à un nom, sans nom vous n’êtes rien, vous n’êtes personne. Qui veut cette armure ? »

Major désigna la mark 3 derrière lui, il lui manquait une jambe, sa peinture était écaillée sous le coup ne nombreux chocs et impacts balistiques qui révélaient sa véritable nature, des dents de requin étaient peintes sur son casque ; le vaillant Caporal Suppléant le toisa de ses grands yeux verts et fit un pas en avant.

« Moi . »

Major prit son couteau de combat et s’avança vers lui, puis il se mit de profil en position de combat.

« Je serai seul juge si tu peut porter ou pas le nom et l’armure de mon frère. »  

Le jeune transgénique sortit son couteau et le fit danser avec adresse ; les deux combattants se tournèrent autour l’un de l’autre puis sans crier gare s’élancèrent, ils bougeaient sans cesse, ils allaient presque trop vite pour que leurs gestes soient perceptibles, seuls leurs grognements de fureur s’entendaient, sueur et sang se mirent à perler sur le sol d’acier de la crypte, chaque Milicien vétéran marquait le rythme de cette dans mortelle en battant du pommeau de son couteau sur l’armure de son défunt compagnon.

Griffon était surpris, ce jeune transgénique était terriblement rapide et fort, il était sûrement d’un lignage très pur…Ors les vétérans à même de donner naissance à quelqu’un pouvant tenir tête à l’ancien étaient si rares qu’il ne restait que peu de possibilités quand à la paternité de ce formidable combattant ; Major se laissa un peu de temps pour juger des attributs de son adversaire, ses yeux, ses crocs, ses muscles, sa façon de bouger, tout respirait le lion en lui…Major avait connu un Lion autrefois.

La lame s’enfonça profondément dans la cuisse de Major ; le jeune Lion pensa alors la victoire proche, prodige à portée de main ; Griffon rugit de colère et frappa du dos de sa main le visage du Cadet sans aucune retenue, il vola en arrière avec un bruit d’os cassés, probablement quelques cartilages du visage. Même les vétérans avaient interrompu leur tache pour contempler l’ancien ; les veines saillante au cou, les yeux exorbités, Major se força à réduire son rythme cardiaque en respirant amplement, puis il arracha le couteau de combat de sa plaie et le jeta au sol, la bave faisait luire ses crocs, il  regarda incrédule ses mains ; à l’extrémité de ses doigts avaient jaillit des ongles pleins et aiguisés comme des serres ; il mit bien une minute à retrouver un composition normale. Il marcha jusqu’à la mark 3 suspendue derrière lui et en décrocha la balle en pendentif, il la jeta sur le corps inanimé du Cadet et vociféra.

« C’est ton nom Milicien, ton honneur. »

Le rite continua et chaque Cadet fut nommé Milicien de première classe ; Major passa longtemps à méditer en baie médicale, contemplant l’abysse au dehors à travers un des rares hublots de fort Cimetière. Ce Milicien était un pur sang, au moins de la troisième génération, cela expliquait son statut dans l’escouade de cadets, cela expliquait ses initiatives, ses réactions fulgurantes, ses capacités physiques plus importantes ; Major se tortura deux jours, il ne cessa de se focaliser à explorer sa mémoire encore et encore. Il devait trouver ; puis une vision s’imposa à lui, un goût, une odeur…Une odeur d’orange mêlée au tabac, le goût de l’orange et du vieux rhum, elle avait vieillie ; le matin devant la clôture de fort Etoile elle avait réagi bizarrement, le soir elle l’avait tout d’abord rejeté, tout était terriblement clair à présent. Manu avait eût un fils de Griffon, ce fils était le Milicien de première classe 2312. N’y avait il que la haine alors?

 

Major fut tiré du sommeil par le bruit des pas dans le couloir, les pas étaient lourds et métalliques, des armures de combat ; Quand la porte de l’infirmerie s’ouvrit Major était déjà en train de s’introduire dans la partie inférieure de sa mark 3 ; le Milicien Sergent de garde n’étais pas surpris, il connaissait la réputation de l’ancien.

« Major tu es attendu en salle de guerre par le Milicien général. »

Griffon adressa un signe de tête au messager et finit de verrouiller son plastron ; il ne mit pas son casque et le prit sous le bras, puis il se rendit sans perdre de temps vers la salle de guerre ; il allait enfin savoir. Arrivant dans l’antichambre, il vit le Milicien Capitaine de la troisième brigade qui y attendait, à la vue de Griffon, un des deux gardes aux étranges armures leur fit signe d’entrer ; la luminosité était plus basse, le projecteur holographique crachait la représentation taille réelle d’un immonde monstre…Trapue et juché sur quatre pattes semblables à celles d’une araignée se tenait une sorte de carapace profilée à l’extrémité de laquelle étaient sertis six yeux malsains, elle avait une paire de pinces et une queue munie d’un dard. Le Capitaine ne cacha pas son dégoût, Griffon s’approcha de la projection jusqu’à ce qu’elle le surplombe, il se retourna vers le Milicien Général en attente d’une réponse, le Capitaine la lui fournit avec sa proverbiale sagacité.

« La nouvelle génération de transgéniques du central terrien. »

Le Milicien Général s’exprima via son écran de contrôle, les caractères s’affichaient rapidement.

« AVONS LOCALISE SITE DE PRODUCTION GRACE A BOITE NOIRE DU TRIOMPHANT. »

Major ne situait pas son rôle dans tout cela.

_Qu’allons nous faire ?

_Nous allons capturer et détruire le site Major.

_Nous allons attaquer des installations terriennes mon Capitaine ?

_Affirmatif.

Griffon saisit enfin la raison pour laquelle le Capitaine s’était acharné à sonder tous les Miliciens de la troisième brigade, à s’assurer de leur haine indéfectible pour le régime central, tout cela pour disposer d’une force de frappe conditionnée pour l’opération à venir, une opération de grande ampleur. Le Capitaine salua en direction du Milicien Général et se retourna pour sortir, Griffon salua à son tour et l’écran reprit vie.

« ATTENDEZ ANCIEN. »

Griffon reprit une posture adéquate, il n’était plus sûr de rien, il avait toujours agi en simple Milicien, il n’avait jamais gravi l’échelle de commandement, il n’avait jamais eût à prendre de décisions, juste suivre les ordres ; le Milicien Général fit l’effort de se focaliser sur ses seules fonctions d’élocution, la porte blindée se referma derrière le Capitaine et une voix synthétique hachée sortit des hauts parleurs de la salle.

_LES EVENNEMENTS A VENIR VONT DEMANDER PLUS QUE LA SIMPLE APPLICATION DES ORDRES L’ANCIEN.

_Je ne comprends pas, que veux tu de moi exactement mon Général ?

_NOUS AVONS REFLECHI LONGTEMPS SUR LA RAISON DE NOTRE EXISTENCE, NOUS EXISTONS POUR PROTEGER L’ETRE HUMAIN.

_Quel danger la race humaine peut-elle bien craindre mon Général ? Ces nouvelles créatures transgéniques ?

_NOUS DEVONS PROTEGER L’ETRE HUMAIN DE LUI-MEME.

_Comment ?

_L’HISTOIRE EST LA LOI DE L’ETRE HUMAIN, ECRIVONS UNE NOUVELLE HISTOIRE.

_Mais moi, qui devrais-je combattre, dis moi quel est mon objectif, que dois-je détruire ?

_TU ES LE PLUS VIEUX, LE PLUS RESPECTE ; ILS TE SUIVRONT TOUS.

_Où ? Où dois-je les emmener ?

_TU LE SAURA QUAND TU REVIENDRA LIEUTENANT.

Une lumière s’alluma, elle éclaira une table sur laquelle était posée une arme, un lourd gant adaptable sur une armure de combat, il semblait devoir se relier à son générateur à fusion ; Griffon s’en empara et l’observa, il avait déjà entendu parler de la technologie expérimentale de concentration magnétique…Cet accumulateur dirigeait les forces magnétiques grâce à des champs d’attraction  contrôlés, mais tout cela était de la pure théorie d’après la dernière mise à jour du manuel de technologie et armements. La porte s’ouvrit et la salle fut replongée dans l’obscurité, il était temps de partir.

Griffon rejoint à la hâte la baie d’arrimage, le Capitaine semblait l’attendre ; lorsqu’il entra dans le troisième rang les Miliciens de sa compagnie frappèrent leurs armures du pommeau de leurs couteaux ; le silence revint et le capitaine distribua les ordres.

« Miliciens ! Notre objectif est un laboratoire de recherche du central terrien situé dans la ceinture d’astéroïdes d’Hydron à soixante quatre jours de voyage d’ici ; ses défenses se limitent à un escadron de chasseurs, une colonne blindée d’artillerie mobile et une compagnie de Rangers. Due à la nature exceptionnelle de cette mission voici de nouvelles directives d’opération : Tout sujet extérieur à la milice dans la zone de l’objectif sera considéré comme ennemi, aucun ennemi ne sera fait prisonnier. Des questions ? »

Aucun milicien ne broncha, le capitaine assura son paquetage de combat et avança vers le sas menant à l’Indépendance, Griffon regarda le deuxième Lieutenant, son ancien Lieutenant, se diriger vers le sas du Vindicatif ; il prit alors la tête de sa compagnie et retourna vers le sas du Foudre.

Le Foudre avait fait le plein de matériel de campagne et s’était vu mis à jour pour la guerre électronique, tout le matériel récupéré sur les champs de bataille ne l’avait pas été en vain ; chaque Milicien rangea sa mark 3 soigneusement et s’aligna le long de sa couchette. Griffon était sur la passerelle, il évita le regard de son ancien Caporal et surveilla les préparatifs de départ, le Lieutenant fit mander son nouveau Major sur la passerelle ; le Milicien était de la quatrième génération, un vétéran aguerri; il salua avec fierté et un sourire qui déformait son visage cousu de cicatrices en un patchwork de cuir bruni assez étrange.

_Major au rapport mon Lieutenant.

_Major veille à ce que le Milicien première classe 2113 porte l’étendard de la compagnie à la bataille.

_Oui mon Lieutenant, autre chose ?

_Dis aux hommes que je veux du travail propre, pas de vendetta personnelle sur les terriens ; la plupart de ces Miliciens vont sur leur premier combat, briefe les sur l’utilisation de gaz de combat et rappelle leur que les Rangers ne sont pas des enfants de cœur mais plutôt les pires fils de putes que la terre ait jamais produite.

_Oui mon Lieutenant, ce sera un honneur mon Lieutenant.

Le Major quitta la passerelle et Lieutenant commença à peser combien modérer l’enthousiasme de ses Miliciens serait une tâche ardue ; ils se battaient pour l’Ancien contre les terriens, le Milicien Général avait tout prévu dans les moindres détails.

Trente minutes plus tard les trois bâtiments de guerre émergèrent en formation triangulaire du champ de mines de fort Cimetière, ils se ruèrent sur leur vecteur d’attaque pour atteindre les astéroïdes d’Hydron dans le délai imparti…L’arrogant gouvernement central terrien allait apprendre le prix de l’histoire ; l’ancien avait appris à tous ses enfants à pardonner, mais pas à oublier.