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Tu seras un homme, mon fils.

Douze ans c’est terriblement tôt pour devenir un homme, douze ans c’est déjà bien trop tard pour croire aux contes de fées.


J’avais douze ans ce matin de printemps sur Chandrila, j’avais douze ans et le sourire d’un enfant qui va pouvoir être terriblement fier de son père, si j’avais su alors à quel point. L’Empereur visitait la capitale pour montrer son soutient au sénateur Mon Mothma dans le conflit l’opposant au pacifiste de la vieille garde républicaine: Bail Organa.


Après avoir porté la cape de jade de la garde sénatoriale, Père avait revêtu la toge rouge des prétoriens de la garde royale, il en menait la compagnie d’honneur depuis sa création à l’aube de l’Empire, il était un fidèle parmi les fidèles et ce jour-là il le prouva.


La foule semble applaudir lentement dans mes souvenirs, c’est une masse vive et colorée que je ne distingue plus clairement…il fait beau et la lumière du soleil est éblouissante, des pétales de fleurs flottent dans l‘air immobile, je suis là malgré l’opposition de Mère, je suis venu voir mon Père aux côtés de notre souverain dont on m’a dit tant de grandes choses. L’Homme est vieux, vêtu de noir et visiblement fatigué, je suis un peu déçu mais c’est par ce que je n’ai alors jamais croisé son regard.


Une échauffourée éclate soudain, la garde réagit alors qu’un tir de blaster part en l’air ; ils entourent tel un rideau carmin le vieil homme et le mènent vers un speeder militaire qui a surgi d’on ne sait où, les gens se baissent et je peux donc enfin voir. Je vois un garde pourpre ouvrir la portière, j’en vois un dont je suis sûr qu’il est mon père immédiatement se jeter sur l’Empereur pour le couvrir de sa personne et tous les autres se figer…Puis c’est l’explosion, pas de feu mais une épaisse fumée noire qui se propage comme de l’encre troublant l’eau.


La dernière chose dont je me souvienne? Des morceaux tombant du ciel, ce ciel qui tourne comme un manège fou, et la lumière qui devient blanche puis…Plus rien.


Je n’ai rien eu, le souffle m’a juste jeté au sol. Mère est dans tous ses états mais elle ne me gronde pas, elle est livide elle qui d’ordinaire a la peau d’un blanc laiteux. Je ne sais que plus tard alors que je peux quitter ma chambre quel est le trouble de cette grande femme pourtant si forte, c’est mon père, mais ce n’est plus vraiment mon père, il lui manque quelque chose. Est-ce la couleur de la vie sur ses joues désespérément grises? Est-ce cette impression que l’air devient plus lourd et tout semble plus difficile à faire lorsqu’il entre dans une pièce? Est-ce la colère ou le mépris que mère déploie à son encontre chaque fois qu’il parle de l’Empereur?


Elle est là, la main collée à la vitre qui la sépare de cet homme brisé, et elle pleure, amèrement. Et lui sous ce drap d’un blanc immaculé qui est si tendu qu’il l’emprisonne sur sa couche…Il est branché à cette machine étrange qui insuffle un souffle précaire dans sa poitrine de géant.


Je ne suis plus un enfant, je sens dans mon ventre une flamme qui brûle, j’ai envie de casser cette vitre, de serrer cette enveloppe de chair blessée dans mes bras et de la serrer si fort que nulle étincelle de vie ne saurait plus alors s’en échapper.


Mère se retourne et me voit, je devrai courir et la prendre dans mes bras…Non, je reste là à l’autre bout de la pièce et dans son regard de sphinx aujourd’hui délavé je lis quelque chose qui m’horrifie, je lis de la culpabilité. La flamme me dévore les entrailles, mon sang bat si fort mes tempes que je n’entends plus rien, qu’un bourdonnement confus, ma colère est si intense que j’en pleure, les poings serrés, impuissant.


Je me suis installé là et lorsque les infirmiers ont voulu me faire sortir par la force j’ai arraché un bout de chair de l’avant bras de l’un d’entre eux, avec mes dents; j’ai été si farouche, j’ai tant hurlé qu’à la fin ils ont fermé la porte et m’ont laissé, même mère est sortie car je ne pouvais plus souffrir sa présence…Je voulais rester au chevet de cet homme et s’il devait mourir alors aspirer ce dernier souffle à la coupe de ses lèvres, et dans la mort devenir le fils que je ne semblais pas être pour lui dans cette vie.


A travers cette vitre j’ai veillé et je l’ai vu revenir un moment dans ce monde…Ses yeux ont cherché une femme qui n’était plus là, ses yeux ont rencontré les miens et dans le silence j’ai articulé le mot «Père» . Ses paupières se sont closes, et sur ses lèvres j’ai cru lire «Je sais». J’ai toujours par la suite gardé en mon cœur la conviction qu’il avait bien dit ces mots, qu’il savait malgré le silence, qu’il savait malgré la distance que j’aimais farouchement à la façon de ceux qui ne disent rien, cet homme étrange et inconnu qu’était mon père.


Mais il n’est pas mort, non. Il s’est battu sans un bruit, il a rassemblé les forces de la vie et lutté pour maintenir sa chandelle malgré le tumulte qui voulait l’emporter. Durant ce temps, l’Empereur dépêcha même sur place un de ses gardes pour qu’il fut tenu au courrant de l’état de santé du blessé. Lorsque celui-ci fit état à sa majesté de ma résolution confinant à une sorte de folie, il du plaire à l’Empereur de me conforter dans mon idée, on m’autorisa l’accès à la chambre elle-même, et on m’y emmena tout le confort que j’eu pu désirer si mon esprit avait alors été clair.


Et il fut fidèle à sa légende ce vieux Vornsk, il s’éveilla et voyant un de ses hommes dans la pièce eu comme premiers mots:


«l’Empereur est-il sauf?»


Ce à quoi l’autre lui répondit à l’affirmative et Père se tourna vers moi avec un hoquet douloureux qui eu pu être une sorte de rire…Puis il s’évanouit encore une fois. Je ne me décidais à quitter l’hôpital pour retourner au manoir que lorsque l’on eu greffé ses prothèses cybernétiques à père, il redevînt alors pour moi un homme entier, plus rien ne lui faisait défaut.


Ma colère était retombée, moi qui d’ordinaire était un enfant si doux. J’avais du briser le cœur de ma mère et je ne voulais plus croire à ma certitude d’alors, j’allais donc la trouver dans son cabinet à mon retour chez nous.


«Madame, qu’il ne soit plus sujet de querelle entre nous…Je vous ais désobéi et si cela vous a causé de la peine je m’en repends, alors laissez moi donc être un bon fils pour vous et dîtes-moi je vous en prie que tout ceci est derrière nous Mère.»


Je croyais que devant tant de modération Mère accepterait de bonne grâce de m’accorder son pardon, mais je ne comprenais pas alors qu’elle estimait que je méritais plutôt ses plus sincères excuses. Mais Mère est madame ma Mère, elle oublia rapidement ce rapport maternel et essaya de me faire rejoindre son point de vue, ce qui me déstabilisa dans un premier temps puis me courrouça au plus haut point ; ne voilà t’il pas alors que j’étais venue l’entretenir de nous, notre famille, qu’elle repartait sur ses diatribes contre l’Empereur? C’était inconvenant, aussi lui ais-je dit tout de go:


«Je n’entends rien à vos palabres, il me semblait que nous devions nous réjouir de l’amélioration de l’état de santé de monsieur mon Père ainsi que régler le malentendu qui subsistait entre nous, et voilà que soudain vous osez me dire que cet odieux attentat était légitimé? Mais reprenez vos sens madame, ne laissez pas le chagrin vous aveugler, nous ne saurions en aucun cas accepter l’outrage sans y répondre avec la fermeté d’une famille de notre rang! J‘attends que les responsables soient arrêtés et que justice soit tirée d‘eux et ma foi s‘il plaisait alors à l‘Empereur de me donner la clé de leur cellule j‘irai la jeter au fond d‘un lac où on ne la retrouverai jamais!»


Et dans ses yeux j’ai retrouvé ce regard hésitant et coupable de l’hôpital, et sur mon âme s’est abattu soudain le voile sombre du linceul. La peur a du la saisir, croyait-elle que j’irai courir la dénoncer? Avait-elle raison? C’est quasiment en pleurant qu’elle m’a administré ce soporifique, et je ne me suis réveillé alors que perdu dans un vaisseau en partance pour je ne sais où. La rébellion, je dois admettre que je n’ai jamais porté ces gens-là dans mon cœur ; ce ne sont pas tellement ceux qui cherchent vengeance ou qui ont trop souffert qui me dérangent, je trouve leurs actes animés de raison…Mais le groupe de politiciens en disgrâce qui les mène, qui les sacrifie pour un monde meilleur dont la principale qualité sera d’être dirigé par ces quelques vertueux écartés du pouvoir par le régime précédent. Alors voilà, à ceux qui m’avaient insulté, à celle qui m’avait trahi, que devais-je? Pas moins que le venin qu’ils avaient su susciter en mon cœur.


Douze ans c’est trop tôt pour devenir un soldat, mais quand on est un Cabb le sang parle quel que soit l’âge.


De mon évasion je n’ai plus beaucoup de souvenirs, je sais que j’ai joué l’idiot et que personne ne se méfie d’un gamin…Seule mère devait savoir que ce gamin était dangereux, mais elle m’aimait de ça je suis sûr, et que pouvait elle faire alors, aller contre son cœur? Elle l’avait fait en organisant l’attentat, et qu’avait elle récolté? Elle avait perdu un homme si sauvage et indompté que seul un Empereur savait s’attacher sa loyauté, et elle avait peut-être aussi perdu un fils. Un mot, je lui ais laissé un mot ; et dieu sait qu’elle a pu être malheureuse, car par un mot c’est ainsi que Père lui avait ouvert son cœur…Et moi je l’ai fermé, j’ai mis deux tours dans cette serrure de fer et jeté la clé dans un stupide lac où depuis je ne l’ai jamais retrouvée.


«Ma mère,

Je suis parti, parti comme s’en vont les orages et votre cœur je le crois en restera scarifié tout comme la belle terre de Chandrila après la tempête. C’est une distinction subtile qui nous sépare car ce que vous avez fait, ce que vous nous avez fait, vous en aviez le pouvoir mais certainement pas le droit. Que dire qui n’ait déjà été dit? Que faire alors que rien ne saurait être défait?

Adieu,
Votre fils.»



Et je m’en suis retourné retrouver mon père, me suis placé à ses côtés pour affronter l’opprobre publique. J’ai mis en pièces le droïd précepteur qui m’avait élevé, ai bouté le feu à mes souvenirs de mère, et attendu...


J’avais douze ans.
Page vue 66 fois, créée le 18.03.2008 19h31 par guinch
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