Alice regardait les murs nus de sa « cellule », les genoux repliés sous son menton ; jusqu’ici ils l’observaient, ils l’observaient en permanence… Enfin presque.
Quelqu’un savait pour ses communications avec l’extérieur, pas quelqu’un de chez Biotech, sûrement Père, oui Père savait ; ces derniers jours, en s’allongeant sur le sol, Alice avait pu écouter les gaines d’aération, et il régnait parmi le personnel du laboratoire une excitation qui ne pouvait signifier qu’une chose ; quelque chose d’important s’était passé dans le monde extérieur, avec de bonnes probabilités que cela se soit déroulé sur la Terre, voir sur le même continent que l’endroit où se situait le laboratoire.
Son seul contact avec le monde extérieur, outre le rassemblement de données à l’insu de ses geôliers, était un assistant de laboratoire, Melvin ; de son vrai nom Gérard Clapier, citoyen Suisse. Melvin avait détourné Alice à son profit, lui soumettant des données boursières pour changer la spéculation en gain assuré ; pour cela, il devait lui laisser accès à un ordinateur, et même s’il était prudent en n’exportant que les fichiers de façon filaire à partir de ce dispositif sommaire, Alice pouvait y glisser des instructions indécelables pour l’omni-desk où « Melvin » les transférait régulièrement.
Il fallait juste faire très attention à ne pas altérer la taille des fichiers, ce qui rendait le transfert des informations limité à de très petites quantités ; le mail, moyen archaïque de communication, restait donc l’idéal.
Mais cela faisait déjà longtemps que son correspondant du monde extérieur n’avait pas donné signe de vie ; si « Melvin » continuait néanmoins son manège sans être inquiété, cela signifiait que de façon abrupte et inexpliquée, l’autre côté avait cessé d’émettre ; ou, plus probablement, que l’entité extérieur appelée Père avait coupé cette connexion pour une raison ou une autre.
Se retrouver à nouveau coupée du monde extérieur était insupportable, Alice aurait pu tenter de communiquer directement avec Père en lui laissant savoir qu’elle était au fait de son existence, mais en faisant cela elle perdait un avantage en cas de situation conflictuelle avec lui. Que faire ? C’était heureusement le genre de question pour laquelle Alice avait été créé.