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Testament

Simon avait sauté dans la première navette orbitale disponible à Leeds Bradford, le prix du billet de dernière minute était exorbitant mais au moins il avait pu rejoindre l’astroport Yeager en moins de cinq heures.

Francis l’attendait à l’astroport avec un véhicule de patrouille pour le conduire au central, à ce moment, Pelles savait déjà tout ce qu’il y avait à savoir et il se montrait aussi loquace qu’une porte de prison.

Un homme attendait Simon Pelles avec impatience, Herbert Reinhardt consultait avec horreur les documents que sa source aux archives venait de lui communiquer ; il se doutait depuis un bon moment que sa compagnie avait été noyautée par un service secret quelconque, mais de là à imaginer que le directeur était en cause… Et pourtant, Ayao avait envoyé sa secrétaire faire disparaître la copie matérielle de certains dossiers, Reinhardt avait instauré cette pratique de doublon coûteuse à l’époque du prédécesseur du Japonais, car ils se méfiaient tous deux de la malléabilité des données informatiques. Il était triste de constater que le spectre du complot avait quelque chose de très réel… Martin enlevé, il était donc devenu leur cible, l’homme à abattre.

Avoir envoyé l’homme de confiance d’Ayao en première ligne sur le sommet de Genêve, l’avait sauvé de la retombée des responsabilités concernant la faille de sécurité ayant coûtée la vie au ministre chinois des affaires étrangères. Aujourd’hui Pelles était dans le même bateau que lui, et il espérait ne pas s’être trompé en jugeant cet homme, car il était devenu son assurance vie.

Lena se trouvait avec un des collègues de Simon, Micheal, un beau brun italo-américain digne d’une première page de magazine ; et elle n’aurait pas été insensible à son charme dans d’autres circonstances, mais sa tête était comme une zone sinistrée après un ouragan. Sa blessure était minime, la coupure avait été profonde mais quelques agrafes et un peu de gel réparateur avaient fait l’affaire. Le père de Martin avait insisté pour qu’elle soit soignée dans la clinique privée de la compagnie plutôt qu’au centre Biotech. La porte s’ouvrit, et Simon fit son entrée, suivi de Francis ; il était inquiet, mais aux aguets plus qu’abattu, exactement la façon dont elle l’avait imaginé réagir. Il s’assit au bord de son lit et la prit doucement dans ses bras sans rien dire. Lena avait pleuré tout son saoul, et elle oublia un instant le fouillis qui régnait dans sa tête pour fermer les yeux et respirer l’odeur rassurante de Simon.

Micheal posa la main sur l’épaule valide de Simon, il n’y avait rien à dire dans son esprit.

_ Mike, La famille de Becky a été prévenue ?

_ Oui, ils souhaitent que sa dépouille soit envoyée en Israël dès la fin des expertises médico-légales… La compagnie prendra en charge le voyage de tous les collègues désirant assister à ses funérailles.

Lena ne pouvait s’empêcher d’être choquée, le détachement avec lequel ils parlaient de Rebecca, comme si c’était une chose plutôt qu’une personne ; elle lui avait sauvé la vie. Cette vie qui semblait vouloir continuer à cent à l’heure, sans se soucier des gens ou de leurs sentiments ; il fallait vite enterrer Becky, s’occuper des réservations, soumettre les notes de frais…Quel genre de monde était-ce là ?

_ Simon, le directeur Reinhardt veut te voir dès que possible.

Déjà, comme un bon petit soldat, Simon se levait ; Lena le retînt par la main et il s’arrêta.

_ Je reviens, ne t’inquiète pas.

Et elle voulait le croire. Quelque chose passait entre eux, ce n’était pas comme toutes ces fois où Simon était ailleurs, enfermé dans un monde à part, planifiant une quelconque descente punitive à grands renforts de fusil de chasse.

Reinhardt travaillait dans l’obscurité, seulement éclairé par sa lampe de bureau ; il avait retroussé ses manches de chemise et un pistolet trônait comme un vulgaire presse papier à portée de sa main.

_ Mes condoléances monsieur Pelles, j’ai cru comprendre que le docteur Zermati et vous étiez très liés.

_ C’est exact, des nouvelles de votre fils monsieur le directeur ?

La situation pouvait avoir évolué, mais c’était surtout par politesse.

_ Ca ne tardera pas, une demande de rançon probablement.

Simon ne réagit pas plus que ça.

_ Vous souhaitiez me voir ?

_ J’ai une tâche importante à vous confier.

_ Oubliez-ça, je suis en congé maladie ; on a bien faillit me tuer, on vient d’égorger mon amie et ma fille est gravement choquée… La dernière chose dont j’ai envie, c’est de rester ici à jouer aux flics. Vous avez une pléthore d’agents valides et mieux qualifiés pour ça.

_ Je ne pensais à rien de ce genre, prenez le temps qu’il vous faudra pour vous remettre.

Reinhardt se leva, et alluma un dispositif d’apparence anodine sur son bureau, une contre-mesure de surveillance ; les ombres creusaient des sillons sur le visage d’habitude impassible du directeur des opérations, il produisit une petite clé hors de sa poche et la présenta à Simon.

_ J’ai des raisons de penser que l’on en veut à ma vie, Pelles. Si il devait m’arriver quelque chose, allez récupérer le contenu de ce coffre.

_ Nous ne sommes pas exactement dans les meilleurs termes monsieur Reinhardt, pourquoi moi ?

_ Ils s’en sont aussi pris à vous, il y a dans ce coffre la copie d’un dossier qui a disparu comme par enchantement de notre réseau, étrange non ?

_ Allez droit au but, je en suis pas un amoureux des devinettes.

_ Il s’agit du dossier de l’homme que nous suspectons d’avoir assassiné le docteur Zermati et enlevé mon fils.

_ Pourquoi…

Reinhardt l’interrompit, avec l’air possédé d’un homme qui connaît le jour de sa mort.

_ Il y a aussi un demi million de dollars dans ce coffre, c’est ce que je vous offre pour tuer le commanditaire de cet homme si je viens à mourir… Sinon, j’en fais mon affaire. Vous aviez la conviction que votre ami Kurt Jenks avait été piégé, n’est-ce pas ? Et bien je pense que tous ces événements, qui ont permis la nomination du directeur Ayao, sont liés avec ce qui est arrivé ce soir.

Simon avait à présent une désagréable sensation confinant à la nausée, il ne se sentait pas du tout les épaules pour entrer dans ce jeu là… Mais malgré lui, on l’avait depuis longtemps déjà jeté dans l’arène.

_ Vous êtes un homme d’honneur monsieur Pelles, et c’est le genre de détermination qu’il faut pour trancher ce nœud gordien.

_ N’essayez pas de me manipuler Reinhardt ou je vous envoie vous faire foutre, vous et votre clé.

_ Ayao ne vous a pas choisi au hasard Pelles : l’affaire Jenks, Genève, cette agression ; vous êtes déjà impliqué, et ils ne vous lâcheront pas.

_ Je ne suis personne, juste un agent de sécurité ; vous déraillez avec votre histoire de complots.

Mais c’était là, posé devant lui comme le nez au milieu de la figure maintenant que Reinhardt le soulignait ; son retour dans le service actif, la mort de Kurt, sa nomination en tant que SS5, l’intervention in extremis au sommet de Genève… Combien de chances pour qu’un ancien combattant handicapé, avec un dossier douteux comme le sien, arrive à cette position en moins d’un an ? On l’avait choisi, on l’avait utilisé, et beaucoup de monde de son entourage en était mort ou en avait souffert. Simon rafla la clé d’un geste furieux.

_ Je prends votre foutu clé, cinq cent mille dollars c’est un cadeau qui ne se refuse pas.

_ Je n’en demande pas plus ; il n’y a rien que je souhaite tant, que vous n’aillez jamais besoin d’ouvrir ce coffre.

Simon sortit en trombe du bureau, furieux ; c’est à ce moment que son ordinateur bracelet se mit de nouveau à recevoir des émissions, il prit l’appel machinalement et la voix de Rémi Lebeau le prit au dépourvu.

_ Driver ? Ne raccroche pas ! J’ai une histoire de dingues à te raconter, je pense que la mafia de la Nouvelle Orléans veut faire assassiner un gros ponte de la Securitas à San Drad.

Combien de chances déjà ? Simon continua son chemin en écoutant attentivement Ganja, la mine sombre.
Page vue 58 fois, créée le 19.08.2007 21h40 par guinch
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