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Fait Divers

Alexandre Remko était un homme patient, la pêche était sa passion ; c’était cette patience de pêcheur, son tempérament allant à la contemplation, au calme et au silence, qui lui avait permis de faire carrière dans le meurtre sur commande. Un bon plan, l’attention portée aux détails et des partenaires de confiance ; c’était là la recette du succès. Bien sûr, un peu de chance était toujours la bienvenue… Un seul détail chiffonnait Remko, son tireur avait été remplacé au dernier moment, mais le gars avait des références impeccables.

Herbert Reinhardt n’était pas un homme que l’on approche facilement, et il sortait rarement de l’enclave très sécurisée de la corporation Securitas… Mais un élément extérieur menant à lui avait récemment fait irruption dans sa vie, Reinhardt avait un fils. Alexandre Remko avait attendu, et sa patience venait de porter ses fruits.

Remko finit sa cigarette, dont il plaça minutieusement le mégot dans une pochette hermétique et fit un signe de tête à l’homme assis à côté de lui ; leurs masques leur conféraient les caractéristiques les plus typiques de la population locale ; son complice vérifia l’arme cachée dans son petit sac de sport et sortit pour gagner une des ruelles avoisinantes.

Simon était parti depuis bientôt deux semaines, comme prévu ; mais il avait appelé pour prévenir que suite à un petit accident, il se retrouvait bloqué en Europe pour quelques jour supplémentaires. Comme il le lui avait suggéré, Lena avait fini par inviter Martin à la maison ; cependant son père était très strict quant aux conditions pour le laisser quitter l’enclave. Aussi, il fallut s’assurer qu’un chaperon adulte et travaillant pour la compagnie voulait bien passer la soirée en compagnie des deux adolescents, ce qui ruinait un peu le plaisir de la chose.

Rebecca avait bien voulu jouer ce rôle, et Lena devait reconnaître qu’elle faisait des efforts pour rentrer dans ses bonnes grâces. Le taxi s’arrêta en bas de l’immeuble et ils descendirent en papotant tranquillement. La voiture du garde du corps s’était arrêtée à bonne distance ; ils étaient plutôt discrets.

La grenade EMP roula sous la berline avant de griller toute l’électronique, dont les systèmes de surveillance ; les deux agents eurent à peine le temps de s’inquiéter ; la micro roquette calibre 50 traversa le blindage de la voiture banalisée comme s’il s’était agi de carton. Le projectile était comme un missile, il accéléra pour pénétrer le blindage, utilisa sa vélocité restante pour traverser la tête de sa première cible, et fit détonner sa charge explosive au contact de la seconde. Un travail net, du moins selon les standards du tireur.

Au moment où la grenade envoyait son impulsion silencieuse, Alexandre Remko s’emparait de sa matraque électrique, descendant de la camionnette. C’était du travail facile, Remko arriva dans le dos de ses victimes après le départ de l’auto-taxi ; lesquelles se retournaient au bruit de la détonation de la micro roquette. Un coup rapide de tige électrique dans les reins du garçon, ensuite le traîner en passant un bras sous l’aisselle ; continuer à menacer les femmes en tendant la matraque à hauteur de leurs yeux, hurler assez fort pour le tétaniser, figées sur place par la violence de l’agression.

Selon le plan d’origine dont Alexandre Remko est au fait, l’enlèvement s’arrête là.

Mais son complice a déjà enjambé le trottoir et se dirige dans la direction générale de la camionnette ; arrivé au milieu de la rue, il poursuit dans la direction des deux femmes qui essayent d’appeler à l’aide.

Rebecca voit les yeux de l’homme, ils ne trompent pas ; tel son complice, il a un objectif très précis… Mais contrairement à ce dernier, il éprouve une jouissance féroce à l’idée de ce qu’il s’apprête à faire. Peut-être par courage, peut-être par hasard ; Rebecca Zermati s’interpose entre l’agresseur inconnu et Lena. Elle a peur, très peur… Et à ce moment précis, elle commence à comprendre un peu mieux Simon ; à ce moment précis, elle souhaiterai être avec lui en Angleterre.

« Close and personnal », c’est ainsi que les soldats hors-sol décrivaient la façon de donner la mort au couteau, au garrot ou à mains nues ; en tant que tireur d’élite, c’est quelque chose qu’il n’avait jamais eu l’occasion de faire, et il enviait la force dont pouvaient se parer ceux qui avaient survécu au corps à corps. Il fallait être à la fois extrêmement habile pour pouvoir approcher l’ennemi d’aussi près, mais aussi extrêmement féroce pour le neutraliser d’un geste ; en fait, cela était assez similaire à l’acte de presser la détente… Juste beaucoup plus intense et dangereux. Le poignard était effilé, il trancha la gorge de la femme d’un coup, et elle tomba à genoux en portant vainement ses mains à la source du flot carmin. Rétrospectivement, il devrait admettre qu’il avait commis une erreur à ce moment-là ; au lieu de finir le travail, il avait profité du spectacle, s’était laissé distraire, juste une seconde.

Le monde venait de s’écrouler autour de Lena, mais aussi horrible cela soit-il, on s’endurcit à chaque perte ; tout dépend ensuite du tempérament de la personne, de ce qui va l’emporter chez elle, la peur ou la colère. Cette dernière année, Lena avait côtoyé la perte et la violence sous toutes leurs formes ; passé l’instant de stupeur, au milieu des larmes et de la peur, l’instinct de survie prit l’adrénaline express et ses mains se mirent à bouger sans même que son esprit en ait pleinement conscience. L’homme au poignard se tenait debout devant elle alors que Rebecca s’était écroulée ; Lena sortit la main de son sac et la tendit dans la direction approximative du ventre de l’agresseur. Puis ce fut un éclair blanc, le tonnerre s’abattit sur la rue.

La balle de dix millimètres quitta le canon court du revolver ; si près de la cible, la flamme de sortie brûla même le vêtement de l’agresseur ; le projectile déchira peau, tissus adipeux, muscles et organes avant de ressortir dans le bas du dos de l’agresseur et d’aller finir sa course dans un mur de l’autre côté de la rue.

Choc, douleur, stupéfaction. La mort, sous la forme d’une gamine de dix-sept ans qui sait à peine se servir d’une arme à feu ; c’est risible. Après des années d’un jeu de cache-cache avec des tueurs expérimentés et des armes de guerre, c’est ainsi qu’il va finir… Mais l’instinct de survie est très fort chez lui, la balle est un projectile standard, elle est ressortie, il vivra ; il faut juste s’assurer qu’elle n’aura pas l’opportunité de l’achever. Rassemblant ses forces, l’agresseur frappe aussi bien qu’il peut l’avant bras de la fille avec son couteau. Oui ! Elle hurle et lâche son arme ! Il titube, se retourne et monopolise tout ce qui lui reste d’énergie pour sauter dans la camionnette qui démarre en trombe. Il va vivre, il reviendra et terminera le travail.

Lena est seule dans la rue ; elle a mal, elle a peur… Rebecca a cessé de bouger ; elle pleure et n’arrive pas à faire fonctionner son ordinateur bracelet, alors elle hurle au secours ; des lumières s’allument derrière les fenêtres grillagées de Lakewood, mais personne dans le quartier ne sortira avant que la Securitas soit arrivée.


Alexandre Remko est fou de rage, regardant le vétérinaire qui finit de rafistoler son tireur, il pense à tout ce qui a mal tourné, à tous ces détails… Dont les traces ADN qui doivent couvrir la rue et une balle enfoncée dans un mur. Son commanditaire a promis qu’on le dédommagerai grassement pour cet imprévu, mais cela lui importe peu tant les risques viennent de grimper en flèche.

_ J’espère que tu dégustes mon salaud, tu mérites cent fois ce que ta connerie a provoqué !

_ La ferme, j’ai merdé par ce que c’étaient les ordres ; je leur aurai filé une roquette si ça n’en tenait qu’à moi, mais ça devait ressembler à des dégâts collatéraux.

Le boucher des rues a peur, il sait qu’il n’est pas sensé entendre ça.

_ Je vais y aller messieurs, huit heures d’immobilisation et ensuite boire beaucoup d’eau pour évacuer les nanites du système du patient.

Remko dégaine le pistolet automatique logé au creux de ses reins, mais il n’a pas le temps de tirer ; l’homme allongé sur la table a fermé un œil, et logé une fléchette enduite de neurotoxine en plein dans sa gorge… Remko est court-circuité immédiatement, il meurt ; on ne lui avait pas menti, cet enfoiré est un tireur d’exception.

_ Calmos doc, tiens, voilà les deux mille dollars promis ; plus une carte de réquisition Biotech… Tu vas pouvoir acquérir du très bon matériel en toute légalité mon salaud.

_ Je n’ai rien vu, et je ne vous connais pas ; vous pouvez me faire confiance.

_ File avant que je change d’avis.

L’homme prend la porte sans demander son reste, bien sûr que la Securitas finira par remonter jusqu’à lui ; mais d’ici huit heures, la Sentence aura abattu Herbert Reinhardt et quitté San Drad une bonne fois pour toutes. Tout ce qui compte, c’est que l’appât Biotech apparaisse dans le dossier d’investigation.

Un plan, de la patience et l’attention du détail ; mais la chance n’était plus du côté de Gilles Smith, comment aurait-il pu savoir que cette employée de la Securitas était la petite amie de Simon Pelles ?

Page vue 51 fois, créée le 19.08.2007 21h34 par guinch
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