logo
Accueil liste Commenter

Peacemakers

La première phase de la mission à Genève se déroulait bien, les autorités suisses étaient très professionnelles et tout était fait pour faciliter le travail des équipes de la Securitas. Les différents trajets tenaient à présent du par cœur, ainsi que les itinéraires de déroutement ou la disposition générale de la ville.

Le boulot de l’équipe 5 était plutôt simple, premier et deuxième rideaux de protection rapprochée du représentant américain ; l’astroport et le bâtiment des Nations Unies avaient leurs propres détachements de sécurité, il n’y avait qu’à effectuer la jonction ; une petite équipe servirait à la protection de premier rideau en tenues banalisées, alors que le second rideau en tenues d’intervention encadrait le convoi avec ses véhicules blindés. Mike avait pris le premier rideau et Simon le deuxième.

Le grand jour était arrivé, dans le SUV banalisé, Simon regrettait la large console de commandement de son APC, il se contentait d’une console portable aux visualisations bien moins confortables. La porte latérale coulissa et Timko, le spécialiste K9, fit grimper son compagnon ; un sympathique berger allemand génétiquement modifié, nommé Russel, car il partageait la passion de courir après les balles avec Russel Martin, un des meilleurs rattrapeurs dans l’histoire des Dodgers.

_ Dernière vérification terminée, les véhicules sont cleans, chef.

_ Le jour où ils ont bricolé Russel, ils n’auraient pas pu faire quelque chose pour son haleine ?

Timko fit passer le chien dans la petite section grillagée et lui frotta le haut du crâne avant de refermer la trappe.

_ Transgéniques ou pas, les chiens se lécheront toujours le cul, chef.

L’appareil aux armes du gouvernement américain s’était immobilisé sur le Tarmac, tout le monde était en position pour prendre livraison du secrétaire d’état et de ses assistants.

_ Et voilà, c’est parti pour quatre jours de baby-sitting.

Après dix minutes d’un voyage à haute tension, l’équipe livra ses VIP sains et saufs à leurs collègues de l’unité trois.

_ De Control Five à tous, bon boulot ; on passe en position d’attente.

En dehors des déplacements du VIP, l’unité était stationnée à proximité du bâtiment dans un espace loué pour l’occasion ; alternant la veille avec l’unité en charge des dignitaires chinois, elle se tenait prête à renforcer ses collègues du site en cas d’alerte. La préparation du terrain et l’entraînement faisaient le gros du travail, il y avait quelques dizaines de minutes d’hyper vigilance, et le reste consistait en une attente relativement confortable.

Simon s’était installé à une des tables et vérifiait son ordinateur personnel, il fut surpris d’y trouver un message de Jaime dont il n’avait plus de nouvelles récemment.

De : jaimerosado@us.military.gov

A : simonpelles@us.military.gov

Simon,

Désolée d’avoir gardé le silence aussi longtemps mais les choses ici ne se passent pas toujours comme je le voudrais ; vous allez trouver ça extrêmement curieux, voir suspect ; mais je dois vous informer qu’une menace pèse sur le sommet sino-américain de Genêve.

Je ne peux me montrer plus spécifique sur la nature de cette menace, pas plus que je ne puis vous indiquer comment je suis au fait de votre participation au dispositif de sécurité. Je ne vous demanderai pas de me faire confiance, je me contente de vous avertir. Si vous veniez à divulguer la source de cette information, il est hautement probable que vous ne receviez plus de nouvelles de moi après ce message.

Bonne chance à vous,

Jaime.

Simon était stupéfait, de l’adresse de provenance du message conférait une certaine crédibilité au contenu du message… Sans être un grand psychologue, Simon tenait Jaime, si c’était bien son nom, pour une personne sérieuse. La situation était délicate, il ne pouvait tout simplement pas ignorer une telle mise en garde ; mais d’un autre côté, il serait difficile d’agir ouvertement sans parler du message et de son expéditrice. Pelles prétexta sortir faire quelques pas et appela Duke Edwards.

_ Le Duke ?

_ Hey, salut Driver !

_ Ecoute, j’aurai besoin que tu me rendes un service.

_ Vas-y, dis toujours.

_ J’ai reçu un e-mail, j’aimerai juste que tu me confirmes sa provenance.

_ Pas vraiment ma spécialité mais ça ne devrait pas poser de problème.

_ C’est une adresse du domaine militaire, je veux juste savoir si ce n’est pas un faux.

_ Pourquoi tu ne contactes pas la grande machine verte ? Un coup de fil et c’est fait.

_ C’est une histoire compliquée, tu peux faire vite ?

_ Envoies-moi une copie du message, je te rappelle d’ici une heure.

_ Merci.

Simon regagna l’intérieur, il avait la sensation de se faire manipuler… Et les enjeux étaient tout simplement énormes. Dans le cas présent, il ne pouvait qu’appliquer la recette qui l’avait toujours maintenu en vie, suivre son instinct et agir avec des gens de confiance.

_ Mike !

_ Oui ?

_ On échange nos places pour le prochain trajet ? J’aimerai bien serrer la main du secrétaire d’Etat, ça fera une chouette photo pour mon bureau.

_ Tu es sûr ?

_ Oui et puis ça te validera une expérience à la console, pour obtenir un poste de superviseur.

Michael se rapprocha, l’air de rien et baissa la voix.

_ Tu ne prends pas la peine de justifier tes décisions d’habitude, il se passe un truc dont je devrai être au courant ?

_ Rien de sûr pour l’instant, c’est juste que les patrons m’ont laissé l’impression qu’il fallait que je sois visible sur ce coup.

_ Bon, je vais me changer alors.

Simon prit lui aussi la direction du vestiaire pour passer un costume au dessus de sa combinaison ; il vérifia machinalement que son vieux colt SOCOM était chargé jusqu’à la chambre avant de le glisser dans son étui de hanche, puis accrocha la sangle d’un pistolet mitrailleur Pietro Beretta ultra-plat à son épaule avant d’enfiler son veston.

_ Invisible, il ne te manque plus que la serviette-bouclier et tu sera beau comme un camion neuf.

_ Ca fait du bien de t’entendre plaisanter Mike, j’avais peur que tu ne me battes froid jusqu’à la fin de mes jours.

Michael glissa les lunettes de soleil abritant le dispositif de communication et de visualisation sur le nez de Simon puis fit disparaître un pli de son costume du plat de la main.

_ Je ne suis pas jouasse, mais Angie a confirmé ta version des faits… Je ne vois pas pourquoi je t’en voudrais, c’est une belle femme.

_ Et comment ça va, vous deux ?

_ Franchement, j’en sais rien.

_ Il faut vous laisser du temps.

_ Tu n’as jamais été marié ?

_ Non, j’ai épousé le corps des marines… Et je ne dis pas que c’était là une grande idée, mais il est un peu tard pour regretter.

_ Tu es devenu amer, tu n’étais pas comme ça quand je t’ai connu.

_ La mort de Kurt Jenks m’a secoué… Et puis je supporte mal de devoir vous envoyer au casse-pipe depuis la tranquillité de mon poste de commandement.

_ On dirait que tu es devenu un véritable officier, sergent-major.

L’ordinateur au poignet de Simon vibra, interrompant la discussion ; il prit la communication en induction osseuse.

_ Driver ?

_ Vas-y le Duke, je t’écoute.

_ Ton e-mail m’a causé quelques tourments, et j’espère qu’il ne te causera pas de gros soucis.

_ Vas-y, raconte.

_ J’ai demandé à un ancien collègue du centre de communications de Frisco Bay de vérifier le log à l’heure d’émission… On avait rien, à ce moment là, je me suis dit que ton e-mail était un masque, alors j’ai lancé un traqueur pour remonter jusqu’à la source…

_ Et ?

_ Et le ping a remonté la route droit jusqu’au serveur de Cheyenne Mountain, le siège du commandement spatial ; ton e-mail est authentique, mais quelqu’un a pris bien de la peine pour qu’il n’apparaisse pas sur le journal des transmissions, pas une putain de trace.

_ Je te remercie pour l’info le Duke, sois prudent dans les jours à venir, on ne sait jamais.

_ Ne t’inquiète pas Driver, je sors toujours couvert ; tu sais que tu as une vie très intéressante ? Dans le sens chinois du terme.

_ Oui et c’est ma joie, à plus tard.

L’affaire sentait mauvais, un début de migraine commençait à ennuyer Simon, et il était sur le point d’interrompre la rencontre diplomatique la plus importante de ces trente dernières années… La décision n’échoyait qu’à lui seul, ou peut-être pas… L’accrochage qu’il avait eu avec le directeur Reinhardt concernant ses obligations envers ses différents employeurs lui revînt en mémoire, la loi lui dictait une course d’action : toute information stratégique dont Simon avait connaissance devait être portée en priorité à la connaissance du gouvernement des Etats-Unis, le cas contraire serait caractéristique d’un acte de haute trahison. Cette conviction s’ancra plus profondément et finalement, Simon se mit en route d’un pas décidé ; il mit en branle son équipe pour une possible extraction du VIP, et rejoignit le bâtiment des Nations Unies pour s’entretenir avec un des assistants du secrétaire d’état aux affaires étrangères.

_ Prétextez ce que vous voulez, mais obtenez une suspension pour que je parle à monsieur le secrétaire d’Etat, j’ai des information relatives à sa sécurité dont il doit prendre connaissance sans délais.

_ Donnez les moi et je les lui ferai passer pendant la pause.

_ Fils, allez prévenir monsieur Dane ou j’enfonce cette putain de porte avec votre tête, je me suis bien fait comprendre ?

Ashley Dane, troisième du nom, était un ancien général trois étoiles, membre du joint staff avant de se lancer récemment en politique pour le parti Républicain aux côtés du président Mayhall ; son père avait été général de l’Air Force sous l’administration de Georges W. Bush, et son grand père quant à lui pilotait des hélicoptères pendant la guerre du Vietnam. Bref, il n’était pas un homme dont l’éducation le rendait prompt à la panique ; lorsque son assistant se sentit assez menacé pour préférer se réfugier de l’autre côté de la porte, le secrétaire d’état prétexta une communication urgente de la maison blanche afin de pouvoir s’absenter poliment.

La première chose qui frappa Simon Pelles en rencontrant Dane face à face, fut que cet homme de dix ans son aîné avait une carrure encore plus impressionnante que celle de Kurt Jenks, et ce n’était pas un mince exploit. Comme l’exigeait le protocole dans cette situation précise, Simon effectua un garde à vous qui ne sembla pas surprendre son VIP.

_ Repos sergent major, alors qu’y a-t-il de si pressant ?

_ Une source fiable m’a averti de l’imminence d’une menace pesant sur la rencontre, monsieur. Je manque de détails, mais il serait préférable que vous entriez en contact avec les services secrets sans délais afin de vérifier cette information.

_ Sergent Pelles, je peux sans difficultés imaginer quel est votre sentiment vis-à-vis de cette rencontre ; mais nous avons promis au peuple américain, que nous ne quitterions pas la table des négociations sans avoir obtenu un accord concernant la libération de nos prisonniers de guerre. Au moment où je vous parle, les chinois doivent penser que nous sommes en train de changer notre fusil d’épaule, que nous détenons de nouvelles informations susceptibles de nous avantager dans les négociations… Vous devez comprendre que derrière cette porte, c’est une autre sorte de guerre, et nous ne pouvons pas nous replier, pas maintenant.

_ Je comprends monsieur, j’ai satisfait à mes obligations militaires en vous réservant la primeur de cette information ; je dois à présent en référer à mes collègues de la Securitas, et je pense qu’ils seront du même avis que moi quant à la nécessité de suspendre le sommet, jusqu’à ce que nous ayons pu adapter nos mesures de sécurité à cette nouvelle menace.

Quelque chose dans le regard de Dane ne plaisait pas à Simon, il était clair qu’il n’entendait pas se laisser dicter sa conduite par un sous-officier réserviste des marines reconverti dans la sécurité privée… Il commençait déjà à pivoter pour retourner dans la salle de conférence, Simon n’eut que quelques fractions de secondes pour se décider. Il s’interposa physiquement entre le secrétaire d’état et la porte, parlant en même temps sur la fréquence.

_ Control Five pour Control Three et Seven, code jaune !

Mais Dane était costaud et il repoussa sans ménagement Pelles sur le côté ; Simon eut à peine le temps de pivoter qu’il avait déjà ouvert la porte en grand. Il y eut un hurlement en chinois et des cris à l’intérieur, Simon se précipita à la suite de Dane et vit le ministre des affaires étrangères chinois affalé sur la table, son cou formant un angle peu naturel ; un des membres de la délégation chinoise bondit par dessus la grande table en direction des américains, et aucun homme ne pouvait effectuer ce genre de saut sans assistance cybernétique.

Simon tenta de dégainer son arme, il ne réussit qu’à passer la main sous son veston avant que l’agresseur ne l’expédie contre le mur d’un coup de poing au thorax qui lui coupa le souffle. Son 45 avait volé dans les airs et Simon se força à réagir en empoignant le pistolet mitrailleur avec sa mauvaise main ; d’un coup de talon incroyable, le meurtrier lui écrasa l’épaule, arrachant un hurlement de douleur au garde du corps alors que ses os cassaient comme de la terre cuite.

Ayant réalisé ce à quoi il avait affaire, Simon se dit qu’il était mort.

Les agents stationnés dans les pièces adjacentes s’étaient élancés dès que Control Five avait donné l’alerte, cependant ils seraient tout de même arrivés trop tard pour sauver leur collègue. Deux puissants coups de feu retentirent.

L’Agent Michael Di Angelo pénétra la salle de conférence juste après ses collègues de l’équipe trois, toujours l’arme en avant ; le corps était sur le sol, toujours agité de spasmes ; la matière synthétique lui faisant office de cerveau coulant, blanche et épaisse, sur la moquette. Ahsley Dane baissa le canon encore fumant du colt 45 vers le sol, les balles HV au Téflon liquide ayant fait leur ouvrage dévastateur sur l’androïde assassin.

Page vue 53 fois, créée le 19.08.2007 20h37 par guinch et modifiée le 19.08.2007 20h56 par guinch (#3)
Motorisé par R3.3.3 Tali