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Paintball

Presque deux semaines que l’équipe cinq était en « rodage » à l’entraînement, Simon avait hâte que le cap de la première intervention soit passée ; normaliser un peu la situation ne ferait pas de mal. Il avait du mal à trouver sa place en tant que superviseur, laisser au leader d’élément sa marge de manœuvre tout en donnant des instructions tactiques depuis son centre de contrôle, c’était exactement comme dire à ses hommes d’aller se faire tuer sans être sur le terrain avec eux.

Alors Simon se faisait un devoir de superviser l’entraînement depuis le centre d’instructions, uniquement séparé de ses gars par la vitre blindée qui surplombait la zone d’exercice.

_ Tu leur laisse trop de mou, Pelles.

Miguel Veloso, dans sa tenue noire regardait les moniteurs d’un œil critique, un balle de peinture explosa sur le casque d’un des opérateurs du SWAT-5, et il réagit avec le geste nerveux d’un supporter de football commentant un but contre son équipe.

_ Et voilà ! Ils se croient où, en vacances ? Tu aurai du lui dire de ramener son cul vers l’élément au lieu de le laisser s’écarter hors de vue des autres… Tu attends quoi, qu’ils apprennent par eux-mêmes ? Si tu leur gueules pas dessus, moi je vais le faire !

L’instructeur fit jouer son maxillaire gauche, activant l’émetteur implanté dans sa gorge.

_ Chesterfield, tu es mort… Et pas content d’être mort et d’exposer le flanc de l’élément, tu es mort connement en plus ! Tu aurais enclenché ta macro pour faire défiler les modes de vision, ton détecteur thermique aurait repéré le suspect… Mais non, monsieur est un pro, monsieur choisit lui-même ses modes de vision !

Miguel avait été coulant, pour ne pas humilier Simon devant l’équipe ; mais c’était au superviseur de dire exactement à ses hommes ce qu’il voulait, comme il aurait dirigé un cameraman… Simon aurait du corriger Chesterfield sur sa position, puis sur son mode de vision. Il avait attendu, espérant qu’il réagirait comme il fallait, mais ce n’était pas la façon de faire les choses, pas quand des vies étaient en jeu. Simon tapota sur l’avant-bras de Miguel et lui fit signe de tout arrêter, il activa son propre émetteur externe et rappela l’équipe.

_ Fin de l’exercice, rendez-vous à l’entrée du parcours pour le debriefing.

Simon se leva en s’appuyant sur les accoudoirs du fauteuil ; le geste était devenu une habitude, même s’il n’en avait quasiment plus besoin pour se redresser.

_ Ca a assez traîné, on reprend les bonnes vieilles habitudes ; j’ai cru qu’une approche moins martiale s’imposait pour ce boulot, mais je me suis planté dans les grandes largeurs… Miguel, on va leur faire un traitement chaud-froid, sors nous de l’équipement qu’on s’amuse un peu à leurs dépends.

Le visage de l’instructeur, pareil à du cuir tanné, s’éclaira.

_ Je commençais à croire que tu n’y viendrai jamais !

__

Le changement de rythme fut brutal, pour démontrer que le groupe n’était pas autonome ; la simulation suivante se fit sans supervision et avec un briefing restreint sur la cible et son niveau de danger.
Les conduites simulant les différentes conditions météorologiques crachaient du gaz carbonique, les détecteurs thermiques ne raffolaient pas vraiment de cet environnement, et tout le monde utilisait des respirateurs, ce qui avait rendue caduque l’option du gaz.

Simon serra les poignées de la mitrailleuse puis pivota, apparaissant dans l’intervalle entre deux murs ; la FN Commando E-5 se mit à cracher ses lourds projectiles de calibre 50 avec un bruit de marteau piqueur , les amortisseurs hydrauliques de la buttée type « parachutiste » se mirent en action pour compenser le monstrueux recul de l’engin ; la force se diffusait sur la plaque frontale de la cuirasse , le long des os renforcés, des prothèses aux muscles nano tressés en fibres blindées. Le « terroriste » ne s’adjugea qu’une fenêtre de tir de quatre secondes avant de fuir à toutes jambes derrière son couvert, il était lui-même surpris de son aisance à manipuler l’arme lourde sans un harnais gyro-stalbylisé.

Les quatre instructeurs transformèrent le hangar en zone de guerre, le pire était de penser, qu’au vu des événements de l’année précédente, ce genre de scénario catastrophe soit plausible. Au bout de quarante minutes de combats, trois terroristes étaient morts, mais neuf des douze opérateurs du SWAT les avaient accompagnés dans la tombe. Simon espérait que cette gifle l’aide à exorciser la tension qui régnait au sein de l’unité, il s’était enfin bien rentré dans le crâne qu’il n’était pas là pour se faire aimer de ses hommes, s’il devait être dur, il le serait.

_ Tout le monde sera d’accord pour admettre que c’était un carnage ; alors on va la refaire avec la supervision tactique, à présent.

Les mines étaient sombres, le superviseur à la cuirasse tachée du vert d’un projectile d’entraînement défia les plus véhéments du regard jusqu’à ce qu’ils baissent les yeux.

_ Allez, nettoyez les traces de peinture et préparez vous.

Simon regagna son siège à la console de commandement, un autre instructeur avait pris sa place dans le labyrinthe des constructions ; le système de diffusion se remit en marche, le gaz blanc descendant des structures du plafond pour noyer la zone… Le brouillard de la guerre ; heureusement, ce n’était qu’un jeu dans le cas présent.

L’avantage tactique d’une coordination extérieure, la centralisation de la télémétrie de chaque agent, et certains diraient plus tard, l’absence de Pelles sur le parcours ; permirent de réduire les pertes amies de 78%… Même les plus remontés des opérateurs du SWAT-5 durent s’incliner devant l’évidence de cette leçon, les chiffres bruts et l’expérience de première main prévalaient sur l’orgueil ; ils étaient sûrement mieux avec leur nouveau superviseur, que sans… Et un patron qui vous tire dessus au calibre 50 a moins de problèmes à s’imposer, voir à se faire respecter.

_ On vous fait passer la certification SWAT dans quatre jours.

C’était à la fois une mise en garde et un encouragement, Miguel pensait que l’équipe était prête à retourner sur le terrain.
Page vue 59 fois, créée le 19.08.2007 19h24 par guinch
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