Tout ce petit monde avala une nouvelle tournée de tequila tabasco et un cœur de raclement de gorge et autre toussotements se fit entendre ; Simon jeta un regard amusé à Miguel Veloso qui comme lui ne cillait pas.
_ Vous êtes des femmelettes , des bons à rien ! Même cette petite nature d’anglais, il vous met sous la table, j’aurai honte à votre place. Quand on avait votre âge on s’envoyait des bonbonnes de carburant à torpilles, de la vilaine gnôle de colon à te rendre aveugle ; mais vous deviez encore téter le lait de votre mère la semaine dernière, es pas possible !
Le franco portugais plaisantait toujours à moitié, mais d’après lui, si ça faisait mal c’est que c’était bon… Probablement à cause de son passage à la légion étrangère, le responsable de l’instruction des SWAT n’était pas un tendre. Simon avait fait un stage avec les légionnaires sur New Ghandi, ces gars étaient des tarés, des guerriers purs et durs ; là où les forces armées américaines s’appuyaient sur l’avance technologique, la légion étrangère préférait d’abord s’assurer que ses soldats savaient se battre dans toutes les conditions.
Simon avait de la chance de s’être bien entendu avec Veloso, les gars le respectaient, voir le craignaient ; l’hostilité latente entre certains sceptiques et leur nouveau patron mettrait du temps à s’effacer, la confiance se gagnait dans ce métier. Le pire était l’attitude de Mike Di Angelo, qui en tant que leader du team faisait tout son possible pour appuyer Simon ; malgré les rumeurs de plus en plus blessantes qui courraient. Un de ces quatre, il faudrait qu’ils aient une discussion d’homme à homme ; pour nettoyer l’ardoise une bonne fois pour toutes.
_ Allez, tout le monde au pieu ; début de la session d’entraînement à huit zéro zéro heures demain.
L’équipe cinq évacua lentement le bar en râlant, Miguel eut un air dépité.
_ Et dire que certains de ces gus sont des anciens militaires… Le privé les a ramollis.
__
La mer était très calme, le magnifique yacht mouillait au large de l’archipel privé « The World », une des soi-disant grandes réalisations techniques du début du vingt et unième siècle ; un lotissement géant pour nantis.
_ Un jour ce symbole de la déchéance connaîtra le sort de l’Atlantide.
Jackson Cable tourna le dos au panorama pour sourire à Yin Weï-Long, son homologue chinois ; comment une femme aussi idéaliste pouvait-elle avoir fait son nid dans le milieu du renseignement ?
_ Mais je crois que c’est au programme, camarade colonel.
_ Ne m’appelez pas comme ça, nous n’avons rien de semblable, monsieur Cable.
_ Raison pour laquelle nous nous retrouvons tous deux invités à bord de ce navire, je suppose.
Le pas léger de leur hôtesse attira l’attention des deux espions, c’était un petit bout de femme menue, aux cheveux d’un rouge vif et au sourire affable ; mais Mademoiselle, comme on la surnommait dans le milieu, n’était pas une tendre.
_ Nous allons passer à table.
Quelle réunion, Cable savourait l’ironie comme un bon vin ; deux représentants des nations les plus puissantes au monde, lesquelles étaient en guerre, dînant à la table d’un marchand d’armes international… Décidément, travailler pour le Père amenait à faire des rencontres très intéressantes. La chinoise décortiquait ses langoustines avec application, elle avait une façon de se focaliser à la tâche, tout à fait orientale. Leur hôtesse jouait avec sa nourriture plus qu’elle ne mangeait, s’occupant les mains avec son verre de vin, elle ouvrit la discussion d’affaires.
_ Alors, je résume ; Bernard l’Amoureux est mort, et je peux prendre sa place d’importateur pour le matériel chinois sur le marché de San Drad… De part et d’autre, si vous avez trouvé un accord comme je le pense, que va me coûter cet investissement ?
La chinoise se redressa un peu dans son siège, elle n’avait guère d’amitié pour les autres convives et cracha ce qu’on l’avait envoyée dire.
_ Nous avons un accord de principe, pour votre confort comme le nôtre, nous souhaitons que vous organisiez la mise hors-circuit du directeur des opérations américain de la compagnie Securitas.
_ C’est tout ? Alors nous avons un accord colonel, major ; un toast.