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The Office

C’était comme une première journée d’école, à l’étroit dans un costume qui ne vous sied pas, avec l’impression oppressante de tout faire de travers ; Simon avait pour la peine investi dans un deux pièces noir de coupe classique, un attaché case et tout un tas de fournitures qui lui seraient probablement inutiles.

Le grand hall du bâtiment central à l’heure de pointe, avec tous les agents de la Securitas venant prendre leur service ; il passa le portique de contrôle, sa puce transmettant toutes ses données à l’intelligence artificielle du complexe, puis il s’orienta vers l’ascenseur réservé aux opérations spéciales… Encore un titre ronflant…

La division des opérations spéciales avait sa propre dalle d’accueil décorée à son emblème, le vigile de permanence souhaita la bienvenue à Simon, lequel réprima une forte envie de le saluer en retour ; il arriva néanmoins à ne pas faire complètement n’importe quoi, puis lui serra la main en se présentant. Le sas d’accès vitré s’ouvrit et un petit asiatique approcha pour prendre en charge Simon.

_ Bienvenue à la division des opérations spéciales, monsieur Pelles ; je suis Chang, votre assistant personnel.

Simon lui serra la main et sentit immédiatement un frisson lui parcourir l’échine ; le regard fixe, l’accent étrange et même la poignée de main de Chang semblaient soudainement faire hurler tout son être.

_ Chang tout court ? Vous n’avez pas de nom de famille ?
_ Nous n’avons jamais de nom de famille, monsieur.
_ Un numéro de série, c’est ça ?
_ ZJ-2, mais je préfère éviter de l’employer.

Son sourire blanc avait quelque chose d’insupportable ; Simon détacha les boutons de son veston et posa la main de façon détendue sur sa hanche, non loin de la crosse de son colt 45… LE ZJ-2 était une copie chinoise du Cybertech A-3 dans sa dernière version.

_ C’est sûrement une idée tordue Chang, mais je préfère être honnête avec vous d’entrée de jeu ; je suis un peu inconfortable avec l’idée de travailler avec du matériel… Enfin, avec vous.
_ Je comprends ; mais je peux vous assurer que j’ai passé l’homologation des services de la sécurité du territoire, et que je répond pleinement aux critères stipulés par les accords d’Hô Chi Minh-Ville. Bien sûr, si mon assurance ne vous suffit pas, je peux demander l’assistance d’un des membres de notre service informatique.
_ Ce ne sera pas nécessaire, laissez moi juste le temps de m’habituer ; et surtout, n’envahissez pas mon espace personnel.
_ C’est noté, puis-je vous montrer les locaux de la cinquième unité ?
_ Je vous suis.

Simon emboîta le pas de l’être synthétique ; il ne pouvait s’empêcher de redouter les androïdes, même si les médias assuraient à tous que le prix exorbitant et le manque de robustesse de ces machines interdisaient leur usage militaire, Pelles savait comme nombre d’autres soldats, qu’aucun traité ne pourrait empêcher l’utilisation de cette technologie a des fins belliqueuses. Cybertech n’avait pas commercialisé le modèle, mais dès la confirmation de son existence par les services de renseignement, le AA-5 avait fait office de croque-mitaine dans la communauté des forces spéciales ; une machine à tuer supérieure en tous points à l’être humain… Voilà pourquoi, à l’exception de Dawn, Simon se faisait l’impression d’un dinosaure admirant les flocons de neige en train de tomber, à chaque fois qu’il côtoyait un androïde.

Le centre de l’étage abritait la salle circulaire du centre des opérations, les unités de SWAT se partageaient les locaux qui l’entouraient. Simon regarda par les doubles portes transparentes, surpris de ne pas voir de grands affichages et des représentations tactiques, en fait, tout semblait très calme là-dedans.

_ Les projecteurs trois points sont en panne où ils utilisent des lentilles ?
_ Non monsieur, au vu du nombre d’opérateurs, des affichages externes produiraient beaucoup de chaleur et demanderaient des quantités considérables d’énergie ; notre compagnie a préféré la solution plus économique de l’induction sensorielle.

La stimulation du cortex cérébral avait ouvert la porte vers des applications telles que l’apprentissage à partir d’enregistrements, et à présent, des interfaces projetant directement dans le cerveau de l’utilisateur… Développée pour les équipages de vaisseaux spatiaux et de sous-marins, la stimulation cérébrale était le grand phénomène de société qui agitait la Terre depuis ces dix dernières années.

_ Vous allez me trouver vieux jeu, mais je n’aime pas trop l’idée que quelqu’un puisse avoir une porte ouverte vers mon cerveau.
_ Si vous me permettez l’ironie, je vous dirai : bienvenue dans mon monde, monsieur Pelles.

Simon grimaça, tentant de se rapprocher le plus d’un sourire ; il ne savait pas sur quel pied danser avec cette machine, le plus facile serait sûrement d’interagir avec Chang comme avec Dawn, et de le considérer comme un être humain. Ils arrivèrent dans les locaux de l’unité cinq ; la façade administrative du moins, car l’armurerie et les vestiaires se trouvaient quant à eux au sous-sol. Les locaux étaient agréables, hormis l’absence de fenêtres ; mais les dalles lumineuses du plafond étaient de très bonne qualité, et rendaient une impression très proche de la lumière naturelle. Le hall d’accueil reliait toutes les pièces entre elles, il servait aussi de bureau pour Chang.

_ Nous y voici. Sur la gauche se trouve votre bureau ; au fond à droite, la salle de briefing et l’ascenseur rapide de service ; au fond à gauche, ce sont les commodités.

Simon fit le tour de la pièce du regard ; sofa, fauteuils, fontaine, machine à café et plantes vertes… Il n’avait rien à y redire, sauf qu’il étouffait déjà à l’idée du nombre d’heures qu’il allait passer entre ces murs. Chang présenta la porte menant à son bureau, la plaque en aluminium rayé proclamait : SS5 SIMON J. PELLES. Simon posa la main sur la poignée ronde et un déclic se fit entendre alors que le système avait identifiée sa puce et déverrouillée la porte.

Tout dans l’aménagement intérieur du bureau conspirait à lui donner un sentiment d’importance, il était évident, que c’était là un bureau de chef… Le meuble principal était d’un noir lustré, aux formes élancées, à la fois moderne et classique ; bref, un tantinet austère.

_ Mon Dieu, c’est bien ce que je crois ?

Sur le mur, une immense gravure en bois représentait les marines brandissant la bannière étoilée à Iwo Jima. Chang hocha la tête puis passa la main devant la représentation, cassant l’impression de relief.

_ J’ai choisi le fond d’écran, mais il s’agit juste d’un mur matriciel.

Simon souffla, rassuré ; il était déjà assez mal à l’aise dans ce décor, qui ne collait pas à la rusticité à laquelle son expérience professionnelle l’avait habitué.

_ Souhaiteriez vous que nous affinions vos paramètres d’utilisateur, monsieur ?
_ Je pense que j’y arriverai tout seul, j’ai l’habitude des systèmes omni.
_ Je songeais à mes paramètres.
_ Ah.

Ce détail là n’était pas très bien programmé songea Simon, un collaborateur prenait le temps de découvrir vos habitudes et de s’y adapter… Il ne vous demandait pas de bien vouloir lire les termes du contrat de licence.

_ Comment préférez vous que je m’adresse à vous ?
_ Monsieur Pelles, ça ira ?
_ C’est à vous de me le dire.

C’était vraiment le genre de détails auxquels Simon en prêtait que peu d’attention, il fit un signe pour signifier que ça irait très bien et s’enfonça dans son fauteuil ergonomique à revêtement en cuir.

_ Que buvez-vous ?
_ Thé, bien fort et sans sucre… C’est complètement délirant.
_ Le whisky, quel âge ?
_ Hein ?
_ J’essayais juste d’attirer votre attention monsieur, si vous préférez nous pouvons voir tout ça au fur et à mesure.
_ On va faire comme ça, j’ai besoin de quelques minutes pour m’installer, si vous voulez bien.
_ Je vous laisse, je serai à côté si vous avez besoin de moi.

Chang s’éclipsa discrètement, laissant son superviseur contempler l’étendue de son domaine d’un air songeur ; c’était vraiment un monde nouveau. Simon déballa ses petites affaires, photographies, diplômes et médailles ; au moins il avait un endroit approprié pour où les conserver sans avoir à les contempler à la maison… Puis il alluma l’omni-desk et essaya de se mettre au travail, parcourant les dossiers des membres de l’unité cinq.
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