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Human Ressources

Le bureau était un grand espace dégagé, illuminé par son immense surface vitrée ; il surplombait le complexe urbain, malgré sa disposition à moitié de la hauteur de la tour centrale Securitas. Près de la porte d’entrée à double panneaux coulissants, une armure de samouraï semblait garder le passage avec vigilance. Un peu plus loin, une grande table de conférence avec mur matriciel et projecteur trois points dernier cri s’étalait en long ; au pied de la vitre, le bureau modeste du directeur était orienté pour que l’on puisse observer la vitrine de trophées sportifs, et les fanions des équipes de base-ball sur le mur. Dans l’aile est, un carré de parquet laqué, avec un foyer disposé en son centre rappelait encore la tradition japonaise. Un petit salon occidental, avec son canapé et son bar, se trouvait plus bas ; vers la porte menant aux appartements privés du directeur Ayao.

Jackson Cable avait saisi qu’Ayao Hiroshi aimait à respecter les coutumes du pays où il vivait, ainsi ils s’étaient installés au petit salon, sirotant un bourbon glace.

_ Vous souhaitiez me voir, monsieur Cable.
_ En effet Ayao-domo, Père m’envoie vous présenter ses félicitations pour votre action ; en trois mois, la situation à San Drad s’est normalisée, et vos programmes sociaux semblent très prometteurs.
_ Un employé heureux est un employé productif, une ville est comme un enfant monsieur Cable, il faut savoir ne punir qu’en tout dernier ressort ; l’usage de la force n’est efficace que s’il est l’exception.
_ Pour ma part, j’ai toujours cru que l’amour n’était pas indissociable de la crainte, monsieur le directeur.
_ Vous pensez comme un militaire ! Je ne commande pas, je gère ; je suis un manager, mon horizon est beaucoup plus large… Et ma perspective humaine. Enfin, je m’égare, je n’ai que peu de temps à vous accorder aujourd’hui, qu’est-ce que votre commanditaire attend de moi ?
_ Lui ? Rien. Le moment de régler votre dette envers Père n’est pas encore venue.

Le directeur reposa le verre entouré de sa serviette en papier sur la table basse, il n’était pas disposé à faire dans les civilités… beaucoup de haut cadres japonais méprisaient Cable, il l’avait remarqué au fil des ans, son métissage et son nom américain ; ils n’appréciaient pas de discuter en japonais avec lui. Cela ne faisait rien, à la fin, les nationalistes ne seraient pas parmi les vainqueurs ; ils ne comprenaient pas du tout le grand plan auquel ils participaient, focalisés sur les intérêts de leurs corporations au sein d’un petit jeu économique dérisoire, nourris de miettes seulement.

_ Comme vous vous en doutez, les récents événements à San Drad ont suscité tout mon intérêt ; un nom est ressorti plusieurs fois parmi le flot d’informations de l’époque : Simon Pelles.
_ Mais encore ?
_ Il s’agit d’un de vos employés, monsieur le directeur.

Ayao ne chercha pas sur son ordinateur de poignet ; il fit mine de réfléchir et acquiesça.

_ Un de nos techniciens du pôle mécanique.
_ En effet.

Cable connaissait le petit truc d’Ayao Hiroshi, l’intelligence artificielle du complexe avait une partie de ses ressources allouées à son usage exclusif ; à l’évocation du nom de Pelles par son interlocuteur, Ayao avait immédiatement pu consulter le dossier de Pelles de façon discrète. Pour cela, Il recourait à une lentille de contact, qui lui révélait les informations que l’IA lui envoyait via un projecteur trois points, réglé pour émettre sur un spectre lumineux invisible à l’œil nu. Ainsi, le très humain Ayao Hiroshi, pouvait-il faire mine de connaître personnellement chacun de ses employés ; et paraître omniscient.

_ Du temps de ma carrière militaire, que vous semblez fort bien connaître, le sergent Pelles a servi sous mes ordres ; je vous conseille de vous pencher sur son dossier avec plus d’attention, vous verrez alors que votre département des ressources humaines a fait une erreur.
_ Seriez vous en train d’essayer de me dire comment gérer ma compagnie ?
_ Je ne me permettrai pas, je vous donne juste un avis militaire et par la même occasion, je règle une vieille dette de soldat.
_ Je prendrai votre avis en considération, mais je ne suis pas dupe monsieur Cable ; c’est là encore, j’imagine, la volonté de votre commanditaire. Les gens comme vous n’agissent que sur ordre, et je ne crois pas une seconde, que l’honneur ait jamais dicté votre conduite.

Cable sourit franchement puis termina son verre, s’essuyant la bouche du dos de la main, comme lorsqu'il buvait à la japonaise. Ayao Hiroshi se croyait au sommet, il pouvait bien mépriser Cable, mais il fallait lui rappeler qui était vraiment le patron.

_ Vous voyez juste directeur Ayao, je ne suis que le messager ; mais vous aurez tôt fait de vous forger un avis concernant Simon Pelles, et vous devrez admettre que ce n’est pas avec ce genre d’homme que Père choisirait de noyauter votre compagnie… De plus, il n’a pas besoin de sous-traitants, puisqu’IL VOUS A.

Ayao pâlit et son visage se ferma encore plus, sûrement la sensation de la laisse tirant sur son collier ; Cable se leva, décidant que l’entrevue était terminée.
Page vue 54 fois, créée le 19.08.2007 19h11 par guinch et modifiée le 31.08.2011 22h51 par guinch (#2)
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