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Veillée funèbre

« Bonsoir Jim, je me trouve en direct du district de Watts, à San Drad où une explosion de violence sans précédent a eu lieu ; les combats, car on ne peut plus parler de fusillade à présent, ont débutés aux alentours de quinze heures entre des membres de gangs rivaux et se poursuivent au moment où nous parlons ; la Securitas avec l’accord du conseil d’administration du conglomérat, a isolé le district en fermant les check-points.
La situation est vraiment catastrophique, même les ambulances ne peuvent pas passer ; aucun aéronef ne peut survoler la zone à cause de gangsters armés visiblement de lance-missiles, la Securitas a en effet déjà perdu deux de ses VTOLs de surveillance, tout comme nos collègues d’UCN-1.
Il est vingt et une heure, la surveillance satellite estime le nombre de belligérants à plus de trois cents personnes ! Les combats initiaux se sont étendus et à présent, on rapporte des fusillades et des incendies un peu partout dans le district ; des sources évoquent la possible intervention de troupes blindées de la garde nationale alors que les effectifs de la Securitas ont subi de lourdes pertes rien que pour évacuer leurs blessés.
Il est vingt et une heures et la tension ne semble pas retomber ici aux portes de Watts, nous vous tiendrons au courant des évolutions de la situation ; surtout restez branchés sur notre flux d’informations en direct. C’était Nancy Reagan pour ALN-4, à vous les studios. »

Le lieutenant colonel Fargo coupa le son de l’omni-desk et soupira, se tournant vers les personnes présentes dans le bureau.

_ Notre homme est là-bas, nous avons clairement sous-estimé ses ressources.
_ Les rapports préliminaires font état d’affrontements à caractères raciaux entre les différents gangs prédominants de la ville, colonel je ne pense pas que Jenks soit à l’origine du phénomène.
_ Peut-être pas à son origine mais au vu des armes employées, et de la zone où ont débuté les combats ; il est raisonnable de lier ces événements à l’affaire Jenks. S’il voulait faire un carton sur vos gars de la CRU, c’est réussi ; combien de pertes déjà ?
_ Dix-sept, un vrai carnage.

Dans son coin, le sergent major Pelles visionnait les informations satellites en accéléré, l’imagerie thermique montrait exactement le départ des premiers coups de feu, puis l’extension des combats… Un affrontement de grande envergure avait commencé à proximité de l’ancien centre commercial, la disposition des défenseurs n’était pas innocente ; les Golden Boyz n’étaient pas aussi bien organisés avant, Fargo avait sûrement raison et cela décevait Simon… Qu’est-ce que Kurt fichait avec ces types ?

_ Et maintenant que nous l’avons localisé colonel, qu’allons nous faire ?
_ Rien sergent, la Securitas a sa politique et leur décision de garder le district isolé me paraît bonne.
_ Il faut dire que plus il y aura de morts et de bâtiments brûlés, plus ça arrange le conglomérat dans son plan de « rénovation »… Ca fait autant de primes d’expropriation et d’expulsion en moins, monsieur.
_ Ce n’est pas notre problème, sergent.
_ Nous avons prêté serment de défendre les citoyens américains, monsieur.
_ Ne me donnez pas une de vos leçons de morale, les défendre c’est aussi défendre leurs droits ; les militaires n’interviennent pas dans les affaires des civils sans une décision du gouvernement. Le gouverneur de Californie proposera l’assistance de la garde nationale, et dès demain matin quand les choses se seront tassées, le quartier sera pacifié bloc par bloc avec le soutient des blindés.

Il n’y avait pas vraiment d’autre choix, Fargo était un bon stratège, en tout cas meilleur que ne pouvait l’être un sous-officier ; sa perspective était plus large, Simon acquiesça.

_ Je vous prie de m’excuser monsieur, la fatigue et la frustration.
_ Essayez de prendre du repos, demain nous devrons épauler le SWAT pour arrêter Jenks, s’il n’est pas mort durant les combats.
_ Pas Gunner, si un type peut rester en vie dans cette poudrière, c’est bien lui…
_ Disposez, sergent.
_ A vos ordres, colonel.

Simon salua et décida de retourner à son hôtel, il n’avait pas envie de passer la nuit sur un canapé et d’être négligé demain matin lorsqu’il faudrait… Neutraliser Gunner.

Sortant par le grand hall, Simon vit une femme se lever d’une des rangées de fauteuils d’attente et se diriger vers lui ; c’était une belle trentenaire, coquette, les cheveux au carré avec une couleur violette, une petite robe et un pull ; tout ce qu’il y avait de plus charmant. Elle ne se présenta pas, elle avait l’air angoissée.

_ C’est vrai ce qu’ils ont dit aux informations, il a tué tous ces gens ?

Que lui répondre, Simon devina qu’il avait affaire à l’ex-femme de Kurt ; il n’était plus bien sûr d’avoir jamais connu cet homme… Là-haut, on était différents, c’était un autre monde, à une autre époque.

_ Je ne crois pas, du moins pas tous… Vous êtes Cat ?
_ Catherine, oui ; l’ex-femme de Kurt.
_ Etiez-vous au courant qu’il était dans les marines ?
_ Je m’en doutais, à cause de son tatouage.
_ Je ne sais pas que vous dire madame, à part peut-être de ne pas croire que ce tout le monde raconte sur Kurt… Il a du faire des choses là-haut qui le tourmentent encore aujourd’hui, je pense.
_ Des… choses ?
_ La guerre, ça ne laisse jamais personne intact, madame.
_ J’ai décidé de ne pas parler aux médias.
_ Sage décision… Est-ce que je peux vous offrir un café ou un verre ? J’aimerai que vous me parliez de lui… De la personne qu’il était avec vous.
_ Vous l’avez connu… là-haut ?
_ Comme on peut connaître un homme qui tue pour vous, ou qui se ferait tuer pour vous… A la fois comme personne, et jamais entièrement.

Ils se rendirent dans un bar précis du complexe associatif, Catherine n’avait visiblement pas envie que son nouveau mari apprenne qu’elle avait discuté avec un ami de son ex. Elle fumait, et son émoi avait disparu assez rapidement ; du peu que Simon pouvait en voir, c’était une femme intelligente, trop pour Kurt sûrement.

_ C’était un homme doux et patient, il rentrait toujours dans les cases, ne frimait pas ; la cravate lui allait très bien.
_ A vous entendre, on dirait un reproche.
_ Ne vous méprenez pas, sa prévenance me manque ; mais parfois, il reculait, il ne se conduisait pas avec l’assurance qu’on peut attendre d’un homme.
_ Ce que vous prenez pour de la faiblesse, c’était un gros effort de self-contrôle ; Kurt est capable de choses… Qui ont de quoi inspirer la peur, et surtout à lui-même.
_ Je n’ai pas à m’expliquer, vous pouvez me blâmer comme ils le font aux informations ; mais je ne pouvais rester mariée avec un homme qui vit dans la peur.
_ Je ne prendrai pas de gants, vous m’avez l’air d’une femme qui sait très bien ce qu’elle fait ; vous lui avez préféré un homme qui aime inspirer la peur aux autres ? J’ai rencontré Fred, ce type est un connard fini… Rien que le fait que nous soyons cachés au fond de ce bar pour discuter, confirme mon opinion à son sujet.
_ Et au mien j’imagine, vous autres offworlders vous êtes prompt à juger… Vous vivez « là-haut », et bien il y a un moment où il faut redescendre sur Terre. Vous prenez-vous pour un héros monsieur Pelles ?

Ils se toisèrent dans la semi-obscurité de l’alcôve, à présent Simon pouvait comprendre pourquoi Kurt avait à nouveau basculé… Pourquoi il était retourné à la seule chose qu’il pensait savoir faire correctement.

_ Non madame Gaines, je ne suis qu'un meurtrier assermenté… Juste un de ces milliers d’imbéciles qui versent leur sang, et celui des autres, pour que la Terre puisse continuer d'accoucher d’égoïstes dans votre genre.
_ Je ne vous ai jamais rien demandé, alors ne vous arrogez pas le droit de me juger… Et quand bien même, votre opinion m’indiffère.
_ Kurt est sûrement dingue, mais ne pensez pas un moment que vous pouvez vous exonérer de toute responsabilité pour ce qu’il est devenu. Je ne l’avais pas vu en quinze ans, et la seule chose personnelle dont il m’a parlé, c’est vous ; vous étiez sa Terre, la raison qui justifiait tout ce qu’il a du faire, et subir, comme horreurs dans les colonies.
_ Arrêtez ça.

Elle allait se lever, mais Simon prit ses mains dans les siennes, les serrant jusqu’à l’inconfort ; plongeant ses yeux dans les siens, essayant de lui montrer toute l’horreur et la peur qu’elle n’avait pas devinée dans les gestes empruntés de son ex-mari, dans ses cauchemars, dans ses pleurs.

_ Non, vous pouvez entendre qu’il a tué quatre flics ; mais pouvez-vous entendre qu’il a massacré des civils alignés comme à l’abattoir ? Qu’il a fait le mort pendant cinq heures sous le cadavre d’un ami ? Qu’il a tiré une balle dans la tête d’un bébé ? ! Il faut que l’amour confine à la folie chez cet homme pour qu’il ait damné son âme éternelle, et tout ça pour vous. Le monde vous absoudra peut-être de n’avoir montré aucune compassion pour ce pauvre gosse Catherine, mais Dieu, lui, voit à travers vos mensonges et votre morale à tiroirs… Vous serez jugée, et la honte vous fera trembler de la tête aux pieds. Je ne vous méprise pas, j’ai pitié de vous !
_ Lâchez-moi, espèce de dingue !

Il retira ses mains brusquement, déjà il ne la voyait plus ; il prit son verre de bière et le finit d’un trait, lent et régulier… A quelques pas de distance, elle était resté figée. Leurs regards se croisèrent encore une fois, et quand Catherine Gaine lut dans les yeux rougis de cet homme, la pitié sincère qu’il éprouvait pour elle, elle eut à la fois honte et peur, et s’enfuit sans demander son reste.

Simon se prit la tête entre les mains et pleura, attendant en vain que les bras d’un ange se referment sur lui pour le réconforter… Mais il était seul.

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Page vue 55 fois, créée le 12.07.2007 21h29 par guinch
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