Le monstre était garé à Venice, c’était un des endroits les plus surs pour éviter les Golden Boyz en ce moment ; le front de mer disposait surtout de cabines de douche, et après une nuit dans le camion blindé, ce n’était pas un luxe.

Simon sirotait son thé face à la mer, la portière passager ouverte pour surveiller Lena et le chien, son fusil à portée de main. Le VPB de la Securitas se gara juste à côté, laissant descendre Francis ; son nouveau binôme, visiblement jeune, resta au volant.

_ Belle mâtinée, j’oublie parfois quoi ressemble la mer, à force de patrouiller en centre ville.
_ J’aurai du venir ici plus tôt, c’est sympa… Tu veux un boire quelque chose, Francis ?
_ Non, merci ; je t’apporte des nouvelles.
_ Tu as retrouvé Kurt ?
_ Ton ami est fiché chez nous, on le suspecte d’être un intermédiaire sur le marché noir ; son nom ressort aussi dans des affaires de brutalité, harcèlement et même parfois meurtre… Ce n’est pas joli.
_ Donc il se planque ?
_ J’ai suivi ta piste, son ex est remariée avec un homme de la compagnie, un certain Gaines, il est du district Hollywood ; je ne le connaissais pas avant ça, il m’a dit qu’il n’avait aucune idée sur la façon de joindre Kurt, et quand j’ai abordé la possibilité d’en parler à sa femme, ça a été le blocage total.
_ Autant pour mon idée de demander un service à Kurt.

Une autre idée qui se cassait la gueule, Simon reporta son regard sur la plage et la gamine jouant avec le chien. Francis suivait bien son raisonnement, il était acculé.

_ Tu te sens responsable de cette petite ?
_ Comment pourrais-je ne pas l’être ? C’est à cause de moi, si sa vie est partie en vrille.
_ C’est une façon de voir les choses.
_ J’ai tiré la première balle, depuis ça n’arrête plus de siffler et les gens tombent comme des mouches.
_ C’est triste à dire, mais ce n’est qu’un mauvais été indien à San Drad, Californie. On ne t’a pas attendu pour se tirer dessus, Simon. Nous aussi, nous avons notre guerre.
_ Je n’ai pas signé pour celle-là.
_ Que vas-tu faire ?
_ L’abandonner aux bons soins d’une compagnie du conglomérat ? Tu sais comme moi comment finissent les gosses d’orphelinats.
_ Cette petite a vécu sans toi, elle saura bien continuer ; tout ce dont elle a besoin c’est d’un coup de pouce pour pouvoir se relancer. Je pourrai m’arranger pour garder un œil sur elle au sein du programme de ma compagnie.
_ Ce serait bien, mais je doute qu’elle accepte.
_ Dans quel cas, ce sera son choix ; tu aura fait ce que tu pouvais… Mais elle aurait un toit, à manger, une éducation et la sécurité ; je suis sûrement terre à terre, mais dans notre monde c’est une chance enviable.

L’ombre de Lena apparut aux pieds des deux hommes alors qu’elle les avait rejoints.

_ Vous ressemblez à un couple gay, les garçons.
_ Lena, je suis inquiet pour Simon et toi.
_ Pourquoi ? On est pourchassés, sans domicile, nous n’avons plus grand chose à nous mis à part un chien qui pue ; Simon n’a plus de travail, il a du mal à se déplacer et il est coincé avec une gamine de seize ans au lieu de se trouver une vraie femme… Franchement Francis, je vous trouve très alarmiste.

Francis pris le temps de digérer la tirade, peu habitué à la nervosité de la jeune femme ; Simon, lui, avala un cachet d’antalgique avec sa dernière gorgée de thé froid ; mais Lena était calme, elle posa une main sur le genou de Pelles.

_ On a essayé, ça n’a pas marché ; je vais faire ce qu’il faut pour m’en sortir.
_ Qu’est-ce que tu veux faire ? Je suis à court d’idées géniales.
_ Tu n’es pas mon père Simon, occupes toi de tes problèmes et je réglerai les miens ; je vais me trouver un programme éducatif, puis je me ferai la belle quand les choses se seront calmées.
_ Une fois que tu auras mis un doigt dans l’engrenage, ils ne te lâcheront plus ; tu sera leur propriété.
_ Je m’engagerai, il y a bien des jobs tranquilles dans la marine ou l’armée de l’air.
_ Pas avec une dette, le seul échappatoire serait le bourbier, une unité combattante.
_ On verra, de toute façon ce ne sont plus tes oignons.

Lena tapota le genou de Simon puis se dirigea vers la voiture de patrouille ; Francis était partagé, il lança un regard interrogateur à Simon. Pelle se sentait tout à coup très vieux, il adressa péniblement un signe de tête affirmatif à Francis.

_ Et toi, Simon ?
_ Je vais me trouver une chambre dans cet hôtel pour offworlders où était Hans, le temps de préparer mon voyage pour l’Angleterre.
_ On s’appelle.
_ Prends soin de la petite.

Francis remonta en voiture et le VPB fit demi-tour, Lena était blottie à l’arrière.

_ Il a fait un signe ?
_ Je ne crois pas.
_ Il a regardé au moins ?

Francis préféra garder le silence.