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On the road again

La résidence surveillée était une cage à lapins, un de ces micro studios pour salary-man des compagnies. Ce n’était pas inconfortable, mais malgré la matrice murale et son paysage, malgré les diffuseurs de lumière répliquant les teintes naturelles, la sensation d’enfermement vous gagnait dès les première heures.
Francis avait expliqué à Simon que compte tenu des circonstances, c’était ce qu’il pouvait avoir de mieux ; une résidence située dans une des arcologies du complexe Securitas. Si son agression n’avait pas été médiatisée, Simon aurait fini au dépôt… Et à présent que le ministère de la justice avait décidé de ne pas budgétiser de suite à l’affaire, on allait probablement demander à Simon de partir dans un délai raisonnable.

Les caisses contenant ce qu’on avait pu sauver de ses affaires à l’appartement étaient là, après une rapide vérification, elles restèrent tel quel. Le frigo était quasiment vide, si ce n’est pour la courtoisie des quelques agents que connaissait Simon ; des bières et une pizza ; la veille, la femme de Milo lui avait porté un tupperware avec du Kapama d’agneau. Le reste de pizza finit donc dans l’estomac de le chien, seul nom vraiment approprié pour le chien hirsute du vieil Ed, que Simon avait eu la joie de découvrir dans le coffre du monstre. Abattu par l’ennui, Simon vérifia encore une fois sa messagerie ; Jaime n’avait toujours pas laissé de message, mais il y en avait bien un en attente, de la part de Georges Washington.

Simon déplia sa canne et sortit, il allait ramener son tupperware à Merima Abdul Rajic et foutre le camp d’ici. l’Ascenseur descendit trois étages, chaque panneau vitré abritait un film récupérant la chaleur et des balcons de plantes vertes, avec leurs supports d’alimentation ; tout était d’une propreté irritante songea Simon, comment pouvait on se sentir chez soi dans un endroit où aucune trace de votre présence ne pouvait perdurer ? Il était encore dans l’ascenseur quand son bracelet sonna.

_ Pelles.
_ Simon, c’est Francis ; Milo est mort.

Simon arrêta l’ascenseur dans sa course, pas la peine de discuter les détails sur le pallier de Merima et ses garçons.

_ Qu’est-ce qui s’est passé Francis ?
_ Un guet-apens, leur véhicule de patrouille s’est fait embusquer à Watts… Une roquette l’a retourné et ils se sont fait tirer dessus en sortant.
_ Watts ? Ca a à voir avec mon affaire ?
_ Je ne sais pas, des collègues sont rapidement intervenus pour les sortir de là ; c’était sur un parking, il n’y avait personne sur place, pas une douille, rien… On les a abattus comme des bêtes, une balle chacun au défaut de leurs protections.
_ Ce ne sont pas nos clients, ils ne savent pas tirer correctement.
_ Ecoute, je suis en route pour le central ; j’avais pensé comme tu es sur place que tu pourrai t’occuper de sa famille, le temps que j’arrive.
_ Je t’attendrai là-bas.

Il raccrocha et frappa rageusement sur le bouton d’arrêt d’urgence pour reprendre sa route… La liste des morts continuait de s’allonger parmi le peu de connaissances qu’il avait, et Lena était là-dehors.
Merima était une femme digne et calme, Simon admira la retenue avec laquelle elle avait encaissée la nouvelle ; elle abritait sûrement un chagrin terrible, mais considérait la chose comme privée, réservée au cadre de sa famille. Simon n’était pas du genre démonstratif non plus, il se contenta d’être présent, attendant l’arrivée de Francis.

Ils ne restèrent pas longtemps, comprenant le besoin d’intimité de la famille de Milo ; Francis était franchement abattu par contre.

_ On en sait plus sur ce qui est arrivé ?
_ Non, c’était probablement une expédition punitive… Ils ont simulé une panne d’enregistreur sur leur véhicule ; leur télémétrie personnelle a montré que ça a été très rapide, ils n’ont pas souffert… Pas même tiré un coup de feu.
_ Des témoins ?
_ Non plus, c’est un grand espace découvert pourtant ; les riverains on juste vu la colonne de fumée après l’explosion, quatre coups de feu rapides et plus rien. L’autopsie nous en apprendra peut-être plus.
_ Je l’espère…Y avait-il une raison pour qu’un client sérieux en veuille à un des agents dans le véhicule ?
_ Grimes était un mauvais homme, mais pas courageux, je doute qu’il se soit jamais attaqué à quelqu’un capable de s’en prendre à lui de cette façon.
_ Tu savais ce qu’ils faisaient là-bas ?
_ Je te l’ai dit Simon, la Crime Repressive Unit est souvent un moyen qu’utilisent nos agents pour reprendre là où la justice s’arrête.
_ Et si votre enquête ne mène à rien, que va-t-il se passer ? Ils vont déclencher une guerre civile dans le quartier noir? Ca ne dérange pas vos patrons ?
_ Ils ferment les yeux sur ce genre de choses, tant que cela se cantonne à la vieille ville et de façon anecdotique ; nous sommes une société privée, nos agents ont déjà fait valoir leur droit de grève par le passé, et personne ne veut que ça se reproduise, surtout pas nos directeurs.
_ Plus je vis ici, et moins j’y comprends quoi que ce soit… De mon temps on avait la police.
_ Le budget du ministère de la justice est serré, nous leur soumettons une liste d’affaires et ils appliquent leurs critères pour décider lesquelles méritent un contrat d’investigation.
_ La justice n’est plus seulement aveugle, voilà qu’elle est fauchée !

L’ascenseur finit son trajet en silence, les deux hommes étaient abattus par le poids des événements ; ils récupérèrent les affaires de Simon ainsi que le pack de bière puis descendirent le siffler sur la pelouse du parc, histoire de laisser le chien se dégourdir les pattes.

_ Qu’est-ce que tu vas faire, Simon ?
_ Je n’en sais rien, vraiment ; je suis en colère.
_ Moi aussi, je t’assure.
_ Le mieux serait que je quitte la ville, j’imagine.
_ Tu pourrais faire ce dont tu as parlé, essayer de renouer avec ton père.
_ Ca m’enrage après tout ce que j’ai fait pour ce fichu pays, de devoir le fuir la queue entre les jambes.
_ C’est honteux, en effet ; mais pas pour toi, plutôt pour les parents de ces gosses à la dérive… C’est souvent une marginalité qui perdure sur plusieurs générations.
_ Et ce sont les gosses honnêtes, de ces mêmes quartiers, qui vont se faire trouer la paillasse hors-sol ; tout ça pour qu’ils puissent continuer leur cirque sur Terre, comme si rien n’avait changé, comme si le reste de l’univers n’importait pas. Crois-moi Francis, ça ne se passe pas comme ça dans les colonies.
_ C’est un appel tentant, moins d’impôts, plus d’espace… Tu n’imagines pas le nombre de missionnaires qui voient le renouveau de la foi dans ces opportunités.
_ J’en ai rencontré mon comptant, mais il y a aussi un joli paquet d’extrémistes là-haut… Le mythe de la terre promise y est d’actualité ; je n’aimerais pas être là dans quelques milliers d’années quand tous ces mondes auront revendiqué leur indépendance et se feront la guerre à outrance.
_ Difficile de voir les choses sous un jour optimiste à l’heure qui est la nôtre.
_ Ce n’est pas le jour idéal pour ça… Je te raccompagne chez toi ? Je redescend sur Lakewood avec le monstre.
_ Tu peux conduire ?
_ Ne t’en fais pas, c’est un truc qui me vient beaucoup plus naturellement que marcher.
_ Ton permis est en règle ?
_ Non, mais j’imagine que le ministère de la justice ne dépensera pas d’argent pour ça non plus.

Ils grimpèrent dans le monstre et firent rugir son puissant moteur, passant le checkpoint menant à la vieille ville, ils ne ressentirent aucune angoisse.

Le monstre ralentit et s’arrêta devant chez les Delgado, Lena courut jusqu’à la portière passager, qui coulissa pour la laisser entrer ; puis le véhicule redémarra. Toutes les veilleuses de l’habitacle étaient éteintes à part les indicateurs du tableau de bord ; la présence menaçante d’un fusil monté sur son rack séparait le passager du conducteur, par la porte ouverte sur le compartiment arrière, le silence était à peine interrompu par le halètement canin de le chien. Ce n’était pas exactement ainsi que Lena avait imaginé ses retrouvailles avec Simon, mais à bien y réfléchir, c’était assez son genre.

_ Où on va ?
_ Pour l’instant on roule jusqu’au premier Drive-In de bouffe à emporter qui passe, il faut que je réfléchisse et que je m’alimente.
_ Bon plan.
_ Ah, et joyeux anniversaire.
_ Ce n’est pas mon… Euh, je voulais dire, merci Simon, où est mon cadeau ?
_ Boîte à gants.

Elle l’ouvrit et sortit sans répulsion un revolver du logement.

_ Exactement ce que je voulais, mais en rose.
_ Il y a une boîte de cartouches avec, c’est du dix millimètres ; tu vises le ventre, tu tiens bien à deux mains et tu appuies.
_ Tu aurais pu me prendre un ensemble avec des speedloarders et un joli étui personnalisé, tu abuses.

Il lui lança un rapide regard curieux.

_ Tu t’es déjà servie d’une arme ?
_ Je t’avais bien dit que je te surprendrais… Je me suis fait faire un nouveau tatouage aussi, tu veux voir ?
_ Non, ça ira… Mais tu m’as donnée une idée, on se fait notre dîner et je passe quelques coups de fils.

L’évocation du tatouage lui avait fait penser au sien… Il connaissait quelqu’un d’autre en ville, quelqu’un qui pourrait peut-être l’aider, mais surtout qui lui devait bien un service. Il fallait joindre Francis à ce sujet, quelques pressions de touches plus tard, il était en ligne.

_ Excuse moi de te déranger Francis, mais j’ai un service à te demander ; est-ce que tu pourrai me dénicher la dernière adresse d’un certain Kurt Jenks ? Si tu as du mal à trouver, tu pourra sûrement essayer par le département de la marine, il doit bien recevoir une pension ou un truc du genre, il a été réformé section-8 il y a quelques années… Sinon j’ai appris qu’il est divorcé, tu peux toujours essayer de ce côté là.
_ Je verrai ce que je peux faire, mais pas avant demain Simon… Sinon, le labo a donné ses résultats ; Milo et les autres ont été abattus par du dix millimètres HV, même tireur, même arme. On a retrouvé des résidus de munitions finlandaises lubrifiées, de véritables petites roquettes avec une ogive dont la détonation est contrôlée par ordinateur… Chacune de ces balles vaut une petite fortune au marché noir.
_ Un sniper, ce type doit être une pointure pour pouvoir enchaîner quatre tirs à cette vitesse ; ça voudrait dire qu’un de tes collègues avait un contrat sur sa tête.
_ Au moins nous savons que la mort de Milo n’avait rien à voir avec ton agression.

Lena hoqueta et interrompit les deux hommes.

_ Pas forcément ! Je vous arrête, lorsque j’étais avec la grande… Les amis de Hans, j’ai entendu dire que les Golden Boyz sont en cheville avec des yakuzas ; ce sont eux qui payent leurs avocats et leurs cautions, probablement leurs armes aussi.

Simon ne répliqua rien, il était soudainement remonté à un niveau de tension extrême ; l’idée que la mort de Milo n’ait rien à voir avec les Golden Boyz était un soulagement, et ce peu de paix de l’esprit venait de lui être enlevée à l’instant. Francis était plus constructif.

_ Ca doit être la jeune Lena que j’entends, ça fait plaisir d’apprendre que vous allez bien… Je vais conseiller à mes collègues investigateurs de suivre la piste de l’avocat qui a fait sortir l’agresseur de Hans Werter, ça pourrait relancer l’intérêt du ministère de la justice sur l’affaire Golden Boyz. Essayez de passer la nuit sans vous attirer trop d’ennuis, j’aurai du nouveau pour vous demain matin.
_ Merci Francis, à demain.
_ Bye bye Francis ! Dis Simon, c’est qui Kurt Jenks ?
_ Un type que j’ai connu chez les marines.

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Page vue 61 fois, créée le 12.07.2007 21h18 par guinch et modifiée le 23.07.2008 01h14 par guinch (#2)
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