Hans quitta San Drad en bateau ; les Hell’s avaient encore de bonnes relations avec certains gangs latinos, et monnayant une faveur, la grande Alice avait trouvé une place pour The Crane à bord d’un hydrojet de contrebandiers en partance pour la basse Californie, au Mexique.
Hans était furieux, car inquiet ; Lena avait de la merde dans la tête, comme toutes les adolescentes… En restant à San Drad, le mieux qu’elle pouvait espérer était de se planquer directement chez les flics, et après ? Les Hell’s Angels n’allaient foncer dans le tas, surtout à présent qu’Alice savait que les yakuzas étaient derrière ces provocations minables ; les Golden Boyz restaient donc rester un danger, et la Securitas n’assurait la sécurité de personne pour du beurre… Si le ministère de la justice ne désirait pas lancer une poursuite prioritaire, et c’était souvent le cas pour la petite criminalité, Lena se retrouverait seule dans la rue.
Pelles ? Pelles était un déjanté, un de ces vétérans psychotiques comme il en débarquait tous les jours dans les astroports… Le genre de mecs qui ne comprenaient pas que leur permis de tuer avait expiré, et que toutes leurs médailles ne signifiaient absolument rien sur Terre ; personne ne leur était reconnaissant, car personne n’avait quoi que ce soit à foutre de ce qui se passait dans les colonies.
Hans avala une autre lampée de bière et regarda les lumières de San Drad s’éloigner dans le sillage du jet, une croisière au Mexique, l’idée lui plaisait bien… Ensuite il filerait vers le Brésil, il y avait du fric à se faire dans les nombreux astroports privés de la région. Cocktails et plages de rêve, finalement il ne regretterait pas Mars bien longtemps.
La moto de Hard Boiled s’arrêta dans le réseau de ruelles courant entre les blocs d’immeubles, Lakewood allait devenir un champ de bataille, situé entre Watts et le territoire des autres gangs ; les Golden Boyz avaient fait sauter le couvercle du baril de poudre, et ce n’était qu’une question de semaines avant l’embrasement de toute la vieille ville. La grande Alice ne voulait pas entrer en guerre tant que le territoire de Venice ne serait pas directement menacé, mais les latinos ne voyaient pas les choses comme elle. Le motard regarda la fille qui descendait de derrière lui, puis il passa le premier rapport pour ne pas s’attarder.
_ J’espère que tu sais ce que tu fabriques, petite.
Il accéléra et Lena se retrouva seule dans la ruelle ; son ancien quartier était devenu un cauchemar, il n’avait pas changé en apparences, mais il était sali, depuis que le sang avait coulé sur ses murs et ses trottoirs. La jeune femme se hâta de gagner le coin de la rue et de traverser pour se rendre chez l’épicier ; elle avait besoin d’utiliser le point de connexion pour contacter Simon sans se heurter à un mur d’uniformes noirs.
Les agents de rue de la Securitas se répartissaient parmi les différents districts de la ville ; chaque district disposait normalement d’un poste de commandement où les patrouilles pouvaient se ravitailler, et le plus souvent se réfugier en cas de trouble majeur… Chaque poste de commandement était une vraie forteresse.
Lorsque les agents n’étaient pas de patrouille, ils tenaient la permanence du poste de leur district ou bien pouvaient se porter volontaire pour la CRU ou Crime Repressive Unit ; une réserve de renfort équipée pour apporter aux unités de patrouille un soutient armé lorsque les situations n’étaient pas assez complexes pour justifier l’intervention du SWAT.
Lorsqu’un agent de rue devait régler un problème personnel, la CRU était la solution ; Milo finit les tests de la tourelle automatisée montée sur le toit de son véhicule de patrouille, Grimes, Baker et Sanchez le rejoignirent avec le sac contenant les fusils d’assaut. Francis ne se portait jamais volontaire pour la CRU, car il désapprouvait les actions de ses collègues ; Butch butcher Grimes par contre, faisait partie des meubles.
_ Alors, prêt pour la castagne agent Abdul Rajic ?
_ Inch’Allah, Butch.
_ J’ai briefé tout le monde, on aura au moins six véhicules prêts à intervenir sur Watts ; il ne nous reste plus qu’à débusquer nos gars.
_ Ne t’inquiète pas pour ça, je sais où on va les trouver.
Milo ouvrit la portière et activa le projecteur trois points de l’habitacle, affichant le plan du district de Watts ; les trois autres agents suivirent attentivement ses explications.
_ Vous voyez, les Boyz sont forcément restés dans leur quartier ; ils ne peuvent pas s’empêcher d’aller sauter leur copine ou faire un bisou à leur mama, et les gangs des autres districts les tailleraient en pièces à vue de toute façon.
_ Watts est grand, et nos véhicules ne peuvent pas y rester trop longtemps sans créer une émeute, Milo.
_ On ira directement frapper à leur porte ; ces jeunes gens sont habitués à la cuisine de maman, alors ils ne font jamais rien par eux-mêmes… J’ai demandé aux collègues de Watts d’aller se rencarder sur les livreurs de bouffe à emporter, ceux les plus proches du building qu’on a perquisitionné reçoivent toujours de grosses commandes similaires à celles livrées aux Boyz.
_ Oh les cons, ne me dit pas qu’ils se font livrer, tout de même !
_ Quelqu’un a du leur faire très peur, par ce qu’ils n’osent même pas sortir chercher leur bouffe… Bon, vous connaissez la musique.
_ Oh oui, en l’absence de mandat tout ce qu’on peut faire c’est répondre à la constatation d’une infraction ; donc on passe dans la rue, on file un coup de sirène et on espère qu’ils vont paniquer et tirer les premiers.
Grime engagea un chargeur dans son arme et vérifia l’indicateur de chargement électronique.
_ Ensuite on appelle les autres, et on se les fait.
Les agents montèrent en voiture, le convoi de véhicules de patrouille blindés passa ensuite le checkpoint à tombeau ouvert.