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Scoring

  • Centre assosiatif Securitas, Complexe Urbain de San Drad, Terre
  • 3 Octobre 2054
  • 15:52 Heure Locale

C’était l’heure du massage, Simon profitait autant que possible de ce moment, mais on ne peut pas avoir un total contrôle de soi-même. Angela Mullins attaqua le travail de relaxation des muscles et ne mit pas longtemps avant de commenter la chose.

_ Pas étonnant que la fluidité de vos mouvement ait été aussi mauvaise aujourd’hui, vous êtes affreusement tendu. Plus ça va et moins ça va, avec vous.
_ Vous voulez dire que je ne fais pas de progrès ?
_ Si, mais moins vite que vous le pourriez si vous ne vouliez pas tout faire à la fois.
_ Expliquez-vous, par ce que j’ai vraiment l’impression de me casser le cul pour me refaire une santé, vous savez.
_ Le fils de Milo, votre ami de la division patrouille, s’est esquinté la clavicule au foot et c’est moi qui m’en occupe ; il paraît que vous avez repris le travail ?
_ Pas vraiment, je donne juste un coup de main à un ami.
_ De la mécanique, pas du tout pénible physiquement ça ? !

Angela était visiblement en colère, son massage s’en était ressenti en terme d’intensité ; Simon grimaça… Il ne fallait vraiment pas la chercher cette femme.

_ Je ne fais rien de lourd, que du réglage ; on a un ouvrier et un exosquelette pour toutes les tâches pénibles.
_ Et le pas de tir ?
_ Ca m’aide à trouver mon équilibre, ce n’est pas pénible physiquement.

Elle appuya fortement sur son épaule et cette fois-ci il grogna.

_ Fusil de chasse, station debout prolongée… Vous êtes complètement inconscient, quand j’ai entendu ça j’ai eu du mal à le croire, puis je vous ai vu sur le pas de tir !
_ Mea Culpa, j’ai des soucis que seul un flingue assez gros peut régler.
_ Vous allez arrêter vos conneries Simon, sinon trouvez-vous un autre kinésithérapeute ; je suis sensée vous soigner, je ne peux pas vous laisser foutre en l’air votre santé comme ça.
_ Ne nous leurrons pas, je ne remarcherai jamais comme avant ; je dois m’assurer que je peux me défendre en cas de coup dur, et que j’aurai un boulot pour payer les factures une fois que l’oncle Sam aura définitivement tiré un trait sur moi.
_ Tant que je considère que vous n’êtes pas autonome, je ne signe aucun document pour vos médecins militaires ; bref vous restez officiellement sous les drapeaux et ils payent ce qu’il faut, on a tout notre temps.

Elle arrêta de masser et fit quelques pas.

_ Voilà, vous m’énervez et j’ai envie de fumer !
_ JE VOUS ENERVE ? ! Hé, c’est moi le putain d’éclopé qu’un gang essaie de tuer !
_ Voilà, vous recommencez ! D’un côté, vous rabâchez que vous êtes foutu ; et de l’autre, vous pensez pouvoir changer le monde, tout ça par ce que Simon Pelles a décidé qu’il devait tourner comme dans un film de John Wayne !

Simon se redressa et fit quelques pas décidés dans la direction d’Angela, ça la mettait toujours au silence.

_ Je n’ai rien à prouver à personne me petite dame ; vous apprendrez que seule votre planète ne tourne pas rond dans l’univers, sur tous les autres mondes habités par l’homme que j’ai foulé, c’est la loi de Darwin qui prévaut ! L’homme blessé ou qui ne peut pas se défendre, crève.
_ Vous êtes stupide Simon, vous êtes resté là-haut trop longtemps ; vous parlez comme dans un mauvais film de guerre… Ici il y a des lois, on peut vivre sans avoir d’arme ou ne jamais avoir à tuer personne.

Ce n’était pas une conversation, ils s’épuisaient tous deux à crier dans le vide ; Simon s’appuya contre la table d’examen, las.

_ Christie, cette môme qui vivait tranquillement à côté de chez moi, pensait comme ça, elle en est morte.
_ Vous vivez dans un monde effrayant, Simon.
_ Et il se trouve à peine à vingt minutes de transport de chez vous, dans la vieille ville de Los Angeles ; que le conglomérat laisse crever, pour qu’enfin, San Drad digère sa génitrice.

Angela s’assit, fixant son regard sur son sac de sport qui cachait son précieux paquet de cigarettes.

_ Et qu’est-ce que Simon Pelles va y faire ? Est-ce que ce n’est pas dans l’ordre des choses de démolir la vieille ville pour y faire des logements salubres et tout moderniser ?
_ Simon Pelles n’y peut pas grand chose, mais il a choisi son camp ; je me battais pour les Etats-Unis d’Amérique, ce pays n’est pas parfait mais je croyais encore qu’on pouvait y vivre libre, y prendre un nouveau départ. Quand le conglomérat aura laissé la vieille ville mourir, il pourra s’approprier tous les terrains qu’il n’a pas pu acheter à l’époque, et la liberté, mourra à son tour.
_ Je vais vous dire, et de nos jours ce n’est pas un compliment ; vous êtes un romantique Simon, les gens comme vous vivent dans les livres, se nourrissent d’idées. Vous passez au milieu des autres, comme perchés sur de grands destriers, parés d’armures de vertu et le pire… c’est que l’on a beau vous moquer, on vous envie tous cette candeur, cette foi mille fois bafouée en la bonté de l’humanité. Vous êtes nos Jesus, nos Boudha, nos dieux fait hommes. Mon père était comme ça, et vous finirez probablement comme lui ; je ne veux pas être là pour ramasser les morceaux après que vous soyez tombé de votre piédestal.

Simon soupira, il s’assit à son tour sur le sol à côté d’Angela.

_ C’est amusant que vous parliez de ça, il y longtemps, un type a prédit ma mort… On était très mal barrés, encerclés tous les deux dans un immeuble en ruines avec trois fois rien comme munitions ; on n’allait pas passer la nuit, ça c’était sûr. J’ai dit à l’Indien, c’était son nom, que j’allais appeler une frappe d’artillerie sur notre position, un « danger close » comme on appelait ça ; alors il m’a dit un truc, avec cet espèce de regard lointain qu’il avait souvent : « Driver, tu vas pas mourir comme ça ; tu partira en faisant un truc plus grand, c’est pas encore ton heure. » On a tenté une percée et on a réussi à se tailler jusqu’à la rivière, fuite et évasion, le style Force Recon dans toute sa splendeur. Je ne m’en fais pas, j’aime à penser que l’Indien avait raison, il avait toujours raison.

Le sourire paisible de Simon rassura Angela, elle rit doucement.

_ Et Il vous a prédit autre chose cet Indien ?
_ Comme je ne mourrai ni de cholestérol, ni de tabagie ; alors il est probable qu’on va aller se faire un steak, une bière et une clope chez Stephano’s.
_ Une clope, c’est la grande classe… Vous savez parler aux femmes.
_ Factures moi l’après-midi, c’est l’oncle Sam qui régale… Romantique, je vous en foutrais.

Il se releva et lui tendit la main, après une seconde d’hésitation, elle la saisit.

Ils avaient sauté dans un taxi, et direction Lakewood ; l’arrière du véhicule avait abrité une discussion fébrile, faussement détendue. Stephano’s était un de ces grills à l’américaine, pas bien loin de chez Simon ; il y avait du vrai gras dans les plats et on pouvait même y fumer, il suffisait de signer une décharge à la commande et on pouvait alors profiter de tout ce qui est mauvais pour la santé sans aucun risque légal pour le restaurant. Commande passée, ils s’étaient glissés dans une banquette d’alcôve, le long du mur.

_ Je comprends mieux ton acharnement Simon, le quartier à l’air sympa.
_Ca dépend des jours, en tout cas c’est vivant… Quelque part j’aime la vieille ville par ce qu’elle me rappelle ce à quoi ressemblait la Terre quand je l’ai quittée.
_ Tu as un conjoint ou de la famille dans le coin ?
_ Pas vraiment, non.

Sourire, un ange passe.

_D’habitude je n’accepte pas de sortir avec mes patients.
_je suis un veinard, alors.
_Tu as vraiment envie d’une connerie de steak ?

Ils réglèrent et quittèrent le restaurant sans toucher à leur commande. Il s’avéra qu’Angela était aussi directive et dynamique au lit qu’au travail ; loin de tout faire toute seule, elle amena Simon à éprouver plus d’aise dans l’intimité, quelque part ce fut une leçon particulièrement efficace. L’après-midi passa dans l’odeur du sexe et de la sueur, s’étendant avec langueur sur le matelas, ils laissèrent se diffuser en eux les dernières étincelles suscitées par le plaisir. Simon avait l’étrange impression d’être à nouveau un homme entier.

_ Tu veux rester ici ce soir ?
_ Non, pas que je n’en aie pas envie, mais mon fiancé m’attend pour dîner.

Simon émit un grognement d’assentiment, esquivant la banderille qui aurait pu blesser son orgueil ; elle se tourna vers lui, laissant courir la main sur sa poitrine.

_ Ecoute, tu es gentil, bien gaulé et droit dans ta tête Simon; je ne veux pas que ça vienne pourrir notre travail, alors si ça te met mal à l’aise, je te recommanderai un collègue, tu veux ?
_ Ca ira, je ne dis pas que je ne suis pas un tantinet jaloux de ton homme, mais je fais la part des choses ; donc je te garde, enfin si c’est toi qui paye la prochaine fois.

Elle sourit et se jucha sur lui avant de déposer un baiser sur ses lèvres.

_Sexy et pas con… Il te manque juste la puce de crédit platine pour être l’homme parfait, dis donc !
_Je me doutais bien que tu en voulais à mes sous.
_Allons, ne vient pas dire que tu n’en as pas pour ton argent.
_Je ne me permettrai pas ; allez, direction la douche !

Angela était une femme prévoyante, une réaliste comme elle le disait elle-même ; elle passa ses vêtements à la bombe et utilisa son propre savon. L’époque n’avait pas été tendre pour la vie de couple, aujourd’hui de simples gadgets en vente libre pouvaient échantillonner et traquer les molécules et autres fibres les plus courantes ; le mariage n’allait plus sans une foule d’aménagements contractuels… Et l’amour ? Comme la mauvaise herbe, il semblait pousser là où on ne l’attendait pas, entre les briques des murs du système. En fait, pour la plupart, les gens étaient devenus cyniques et pragmatiques ; les enfants ayant en moyenne leur première expérience sexuelle vers douze ans, et les médias propageant toutes sortes de pornographie sur des canaux ouverts, le mythe romantique n’avait pas le temps de s’enraciner chez les gens, la pauvre réalité de la chair et ses contraintes prenaient le pas. Chacun son mode de consommation, le sexe avait toujours disposé d’un marché où s’affrontaient offre et demande, il n’avait pas attendu le vingt et unième siècle pour ça.

Angela partit après avoir enregistré sur sa puce mémorielle leur prochain rendez-vous ; en caleçon, Simon alla s’ouvrir une bière et lancer sa playlist de musique rétro, Otis Redding vint le soutenir alors que des sentiments contradictoires l’assaillaient… Il s’aperçut que tout ce temps, sa canne télescopique était restée pliée dans son étui.

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Page vue 59 fois, créée le 12.07.2007 21h01 par guinch
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