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La troisième loi de Newton & Pelles

  • Lakewood District, Complexe Urbain de San Drad, Terre
  • 21 Septembre 2054
  • 07:10 Heure Locale

Simon eu du mal à se réveiller ce dimanche matin, peut-être était-ce un signe ; il brancha le canal d’information par commande vocale et commença ses séries d’exercices matinaux. L’omni-home activa la nouvelle cafetière wireless, la machine enregistrait les habitudes domestiques de ses utilisateurs ; transmettant probablement les résultats à son constructeur, qui devait à son tour les revendre à d’autres conglomérats pour cibler leurs produits.

Dans un bruit de pression, Simon connecta ses prothèses sur leurs ports d’arrimage, les muscles artificiels se tendirent et il se leva en s’appuyant sur sa canne un minimum, afin que le logiciel équilibre le tout. Un petit beep annonça que le cycle d’équilibrage était terminé ; Simon se rendit à la salle de bain.

«Tu agis de façon mécanique, c’est beau l’instinct.»

Il n’avait décidément pas la pêche, peut-être était-ce la déception de vérifier ce que Lena lui avait dit de son profil, il n’attirait pas les femmes. Il n’avait pas connu d’intimité avec une femme depuis bientôt deux ans ; juste avant la mission d’évacuation de Camp Walden.

_ Pardon seigneur, mais c’est décidé ; ce soir, je me lève une pute.

Il rit et continua sa routine jusqu’à enfiler son costume et boire son café ; il ne faisait pas de mystères sur ses fréquentations en temps de guerre, d’une certaine façon il avait espéré que son retour forcé sur Terre tournerait cette page de sa vie. Il aurait du avoir d’autres préoccupations, de ses parents, seul son père était encore en vie ; mais ils ne pouvaient pas se voir, ils n’avaient absolument rien à se dire. Simon ne pouvait pas blâmer son père pour ça, il avait tout fait de travers en tant que fils ; d’abord foirer ses études à Londres, puis son départ aux States et finalement s’être engagé dans les marines, ça avait été le clou. Son père avait bien ri, lorsque Maman avait accroché avec fierté la photo se son fils, en uniforme de parade, dans le salon… Finalement, le jeune rebelle avait fini plus royaliste que le roi, un sergent des marines, un américain saluant la bannière étoilée… Le père de Simon ne tenait pas en haute estime le peuple Américain, comme beaucoup d’européens de sa génération, il tenait l’Amérique pour responsable des troubles internationaux sévissant depuis la fin de la seconde guerre mondiale ; oubliant que l’Europe avait, elle aussi, bâti sa richesse sur l’exploitation des pays du tiers-monde.

Ruminant ses préoccupations, Simon vérifia qu’il était bien en avance, et retourna une dernière fois dans sa tête l’idée de se rendre à pied jusqu’à l’église… Son orgueil en prit un coup, mais il dut se résigner à accepter l’impossible ; vérifiant qu’il avait bien emporté son PCDA et un peu de monnaie, il verrouilla la porte derrière lui et attaqua le supplice de l’escalier.

Simon se trouva beaucoup plus touché par le service de Francis, peut-être devenait-il vraiment un membre de cette paroisse, peut-être ses doutes avaient-ils besoin d’être calmés par plus de réconfort spirituel… Ou peut-être Dieu était il en train de soigner son âme, à défaut de lui rendre ses jambes.

_ Et notre seigneur a donné de l’amour à tous les hommes, parfois pas en parts égales, mais tel est son dessein ; car il y en a assez pour tous, à condition que selon ses enseignements, nous nous donnions tous la main.

Francis avait raison, même si Simon avait pu constater la puissance incitatrice du principe Boudhiste de l’inaction ; en tant qu’occidental, sa pensée se tournait plus aisément vers la satisfaction d’un besoin immédiat. Le besoin d’agir, pour trouver sa raison d’être dans l’action. Simon fit patiemment la queue pour s’entretenir un moment avec son ami, ils devaient déjeuner ensemble.

_ C’était un bon sermon, je suis mauvais juge sur les exemples théologiques, je n’ai pas assez étudié les écritures ; mais le côté pratique a touché l’auditoire je pense, en tout cas, moi ça m’a parlé.
_ Merci Simon, je te retrouve dehors dans un instant.

Francis avait ses habitudes chez Stephano’s, un restaurant grec du quartier ; il essayait de répondre tant que possible aux invitations à déjeuner de ses paroissiens, mais il y avait des moments où l’homme avait besoin de souffler, loin de son sacerdoce. Stephano’s plut d’emblée à Simon, l’endroit lui rappelait un Diner’s du quartier grec de Wahsington où il avait déjeuné lors d’une permission exceptionnelle en 2033. Ces grecs savaient vous faire une bonne grillade et en général la bouffe méditerranéenne était une des meilleures du monde, enfant Simon allait en vacances dans le sud de la France, il en avait d’excellents souvenirs.
Stephano’s était un grill classique, sans tomber pour autant dans la caricature ; en bras de chemise et le nœud de cravate lâche, les deux hommes s’installèrent à une table tranquille après avoir salué les gens derrière le comptoir.

_ Tu as passé une bonne soirée hier ?
_ Bof, on a glandé devant le réseau avec une de mes petites voisines ; j’ai essayé de me débrouiller une rencontre honnête mais il semblerait que je n’aie pas tout pour plaire aux dames.
_ Laisse toi du temps Simon, tu es arrivé à San Drad il y a à peine deux semaines ; tu dois te concentrer sur ta guérison, ensuite tu auras tout le temps de te trouver un emploi et une femme.
_ Tu as quelqu’un en tête ?
_ Je ne suis pas une agence matrimoniale, marine ; ma sœur à deux garçons et si tu l’approches de trop près je te renvoie en orbite sans avoir besoin de fusée.

C’était une belle journée californienne, les vitres polarisantes permettaient aux clients d’en profiter sans se soucier des doses d’UV dangereuses traversant la couche d’ozone. Les deux hommes commandèrent des grillades et du thé glacé.

_ Tu sais ce qui me manque le plus Francis ? Je veux dire des choses que je pouvais faire quand j’avais encore mes jambes.
_ Je ne suis pas sûr d’avoir envie d’entendre ça à table…
_ Mais pourquoi est-ce que tout le monde me prends pour un sauvage dans cette ville ? J’allais te dire : danser.
_ Pardonne moi, c’était une plaisanterie ; mais si on pense que tu es un peu cru, c’est peut-être parce que tu le portes sur ton visage et dans ton langage corporel ; même ta coiffure à ras, c’est un peu aggressif.
_ Tu penses que je devrais me laisser pousser les cheveux ?
_ Non, je dis juste qu’il y a des moments où l’on devine que la civilisation n’a fait que déposer un vernis sur toi, qu’en dessous il y a quelque chose de plus primal, d’instinctif.
_ Merci, je ne suis pas bien sûr d’apprécier le compliment.
_ Je ne te juge pas, je dis juste que tu es un homme situé dans l’action Simon ; tu devais être fait pour ton boulot dans les marines, je me trompe ?
_ Non, pas vraiment ; c’est vrai que j’aimais ça, malgré tout. Et tu as sûrement raison, ça explique en partie pourquoi j’ai abattu ce gosse l’autre soir, au lieu de lui filer mon portefeuille.
_ Arrête de te flageller avec ça, ça devait arriver un jour ou l’autre ; en prenant la décision de dévaliser des gens dans la rue avec une arme, ce petit a pris le risque de se faire descendre ; ça aurait tout aussi bien pu être par moi ou par un collègue.

La discussion se poursuivit sans animosité, il était impossible d’en vouloir à Francis, même lorsqu’il vous disait des choses blessantes ; par ce qu’il avait toujours l’intention de vous aider, même en vous plongeant le nez dans votre propre merde. Quand il prenait ce ton, cette gestuelle ; la lumière de la vérité irradiait de l’homme, impossible de répliquer bien longtemps.

Francis avait un de ces vieux monospaces Cadibishi, la voiture à papa ; ses neveux avaient d’ailleurs laissé traîner quelques uns de leurs jouets à l’arrière. Il raccompagna Simon, et ils durent rouler au pas arrivé dans sa rue ; il y avait un attroupement en bas du Lakeside B.

_ Qu’est-ce que c’est que ce merdier ?
_ Une unité de scène de crime, on va aller demander à l’agent du cordon de sécurité, c’est un collègue.

Ils se garèrent sur la chaussée et marchèrent aussi vite que l’allure de Simon le permettait.

_ Salut Grimes, qu’est-ce qui s’est passé ?
_ Salut Francis, une bande en voiture a mitraillée des passants ; une morte et trois blessés.

Simon scrutait les alentours, essayant de noter des détails ; le trottoir en bas de chez lui était maculé de sang, le mur un peu plus loin aussi. Une écharpe colorée semblait jurer dans le décor, une vague angoisse commença à saisir Simon Pelles.

_ Le quartier n’est plus aussi tranquille qu’avant décidément.
_ Francis, demande lui l’identité de la victime, tu veux ?
_ Un certain Robert Stern, un livreur.
_ Ok, et dans les blessés, il n’y aurait pas de jeune fille par hasard, seize ans, blonde ou brune ?
_ Tes voisines ?
_ Ouais.
_ Une blonde, Christina Delgado ; elle a été évacuée au centre médical, sa copine est interrogée par le détective.

Simon se tordit le cou et lâcha un juron sonore en reconnaissant Lena à côté de l’agent de la Securitas.

_ D’après mon collègue, c’étaient des blacks ; au vu du bling bling et des cravates que les témoins ont décrit, des Golden Boys.

Le visage de Simon était cramoisi, Francis avait essayé de débiter le tout d’un ton aussi froid que possible.

_ Je sais ce que tu penses Simon, et non, je ne suis pas d’accord ; ce n’est pas ta faute… Ce qui veut dire que tu n’as pas à te mêler plus avant de cette histoire, au cas où cette idée saugrenue t’aurait traversée l’esprit.
_ Mais pour qui ces gosses se prennent-ils, hein Francis ? Ils croient quoi ? Qu’on peut tirer sur les gens sans risquer qu’ils ripostent en retour ?
_ Tu prêches un convaincu, mais pas un fan des milices citoyennes alors tu m’écoutes bien ; nous, la police, allons régler ça… Tu n’es pas en état, ni en droit de te faire justice toi-même.
_ Ca va padre, lâche-moi une minute, tu veux ? Je ne suis pas stupide.
_ Je le sais, tu es juste un type bien que ce genre de trucs révolte, c’est normal ; prends le temps de te calmer mais jure-moi, devant le Seigneur, que tu ne te mêlera pas de cette histoire Simon Pelles.
_ Je te le jure, c’est difficile à croire dans l’état des choses Francis, mais j’ai les pieds bien sur Terre ; pas de vilains flashbacks façon Rambo.
_ C’est cool, allez viens ; on va aller voir la petite, ça lui fera du bien de voir un visage amical.

L’agent Grimes les aida à traverser le cordon et ils s’approchèrent du VPB ouvert où le détective prenait la déposition de Lena ; cette fois-ci, elle était redevenue une jeune fille de son âge, voyant Simon, elle traversa en titubant l’espace qui les séparait avant de se nicher dans ses bras. Pelles soupira, il était calmé. Francis s’entretînt un moment avec le détective, lui expliquant que ce n’était pas la première fusillade impliquant les Golden Boys dans le quartier ; peu après, ils partaient tous les trois pour l’hôpital… Et moins de deux heures plus tard, l’affaire était devenue un double homicide.

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