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Stand your ground

C’est un de ces bars sans noms comme on en trouve partout dans les colonies, un bout d’espace délimité par des portes battantes d’un côté, et des pissotières de l’autre. Un comptoir et de vilains néons baveux faisant «très vingtième siècle», prononcez avec un accent caricatural de la haute société britannique ou encore mieux, en français dans le texte.

Simon Pelles a une liste de choses à faire quasiment aussi longue que la liste de ses pêchés ; actuellement, il en est au numéro deux : se saouler la gueule de façon méthodique. Le numéro un, ayant été de se confesser. Le vieil i-box du patron crache une reprise dégoulinante de glamour d’un classique de 2025, Razorblade Romance ; décidément, tout est fait pour vous plomber le moral par ici.

C’est un mauvais Whisky, mais dans les colonies on est peu regardant sur la qualité de la gnôle d’exportation terrienne ; les alcools distillés localement ayant généralement des effets secondaires peu désirables. Simon l’avale avec patience, les deux premiers verres ont eu droit à des glaçons, à partir de là, c’est un luxe inutile, le whisky descend tout seul. Il se demande encore s’il aurait pu empêcher les massacres de Livingstone-4, ou tout du moins ne pas y prendre part ; il se demande où il a foiré avec ses hommes pour qu’ils ne le soutiennent pas face au lieutenant ; il se demande s’il est encore fait pour ce boulot qu’il a pourtant aimé, autrefois.

Gunner et Scope se pointent, deux «vieux» amis, des survivants d’Helen 225 ; il n’a pas envie de les voir, ils se sentent merdeux, comment pourrait il en être autrement ? Alors ils vont essayer de le convaincre que «c’était la chose à faire». C’est Scope qui prend la parole, c’est le plus vieux des deux du haut de ses vingt-sept ans, et ce n’est pas lui qui a tué un bébé de sang froid.

_ Hey, Sarge ; tu picoles tout seul ?
_ Pourquoi Scope, j’aurais des amis que je ne vois pas dans le coin ?

La couleur était affichée, noire.

_ Ecoute, le lieutenant voulait que tu saches qu’il ne t’en veut pas pour ce qui s’est passé.
_ Tu passes les bornes Scope, ton lieutenant n’a pas les couilles de venir me dire ça en face par ce qu’il a peur que je lui refasse le portrait. Il ne m’en veut pas ? La bonne blague, il veut vraiment m’accuser d’insubordination ? Pour avoir refusé d’obéir à un ordre illégal ?
_ Moins fort Sarge.
_ Ce n’est pas grave, après tout je suis le seul à avoir vu ce que j’ai vu, n’est-ce pas ? Car il ne s’est absolument rien passé sur Livingstone-4, nous n’y étions même pas j’imagine… Le secret défense est vraiment pratique, pas vrai ?
_ Ca va, ne tire pas sur le messager Sarge.
_ Pourquoi pas ? On tire bien sur les femmes et les enfants.

Scope avait eu son compte, il haussa les épaules et sortit du bar ; Gunner avait quelque chose sur le cœur.

_ Désolé, Sarge.
_ Va dire ça aux intéressés, allez casse-toi.

Simon regarda disparaître la massive silhouette de Kurt «Gunner» Jenks, se demandant ce que les instructeurs de ces mômes avaient bien pu oublier de leur apprendre… Honneur, fidélité ; malgré le folklore guerrier, c’étaient encore des valeurs d’actualité quand Simon s’était engagé.

_ Salut Soldat, cette place est prise ?

Simon coula un regard oblique sur la personne de la femme qui l’avait abordée, agréable, une grande brune au visage un peu dur… Ce n’était pas une gagneuse.

_ Tant qu’un marine surveillera ce tabouret, les citoyens du monde libre pourront sans crainte y prendre place.
_ J’imagine que vous avez eu une sale journée vous aussi, vous buvez avec moi ?

Son accent étranger était sexy, un peu rauque ; elle avait un paquet de billets verts… Ce n’était définitivement pas une pute, pas si elle payait ses consommations. Simon dégrisa un peu et décida de garder les mains sur le volant de son être, pour l’instant.

_ Que puis-je faire pour vous, hormis vous dispenser un peu de chaleur animale ?
_ Racontez moi votre journée, je suis sûre qu’elle n’est pas pire que la mienne.
_ Reporter ?
_ Reuters, oui.
_ Vous me plaisez et j’ai tout un tas de choses à raconter, vous passez la nuit avec moi ?
_ Ca peut se négocier, quel est votre nom ?
_ C’est gratuit pour commencer, je suis le sergent artilleur Simon Pelles, détachement un de Force Reconnaissance, corps des marines de l’oncle Sam.
_ Dina Vanderbilt, enchantée de faire votre connaissance, Simon.

Ils n’allaient jamais se revoir après ce soir-là, mais Simon se sentait seul et avait une chose à faire pour le salut de son âme ; de son côté Dina avait la soirée de libre de l’appétit pour un scoop.

Lorsque l’USS Kennedy ravitailla à Gateway quelques mois plus tard, Simon fut convoqué dans le bureau du Colonel Diem, le patron de Force Recon.

_ Repos sergent, asseyez-vous. Voici un article paru sur le réseau via le portail Reuters, il détaille avec nombre détails une opération des forces spéciales américaines dans le système de Livingstone… Laquelle aurait entraîné la mort suspecte de plusieurs dizaines de civils. Avez-vous quelque chose à me dire à ce sujet, sergent ?
_ Je n’ai rien à ajouter à mon rapport concernant les événements de Livingstone-4, colonel.
_ Il y a une voie appropriée pour reporter ce genre d’incidents, sergent ; pourquoi n’avez-vous pas attendu que cette affaire suive la voie hiérarchique ?
_ Tout est dans mon rapport, le premier lieutenant Fargo a appliqué des ordres explicites en provenance du colonel.
_ Attention, c’est une accusation très grave que vous portez là, sergent.
_ Je n’accuse personne, j’établis juste des faits, monsieur.
_ Toutes nos missions sont classées secret défense sergent, vous devrez assumer les conséquences de vos actions… Nous ne vous ferons pas passer en cours martiale pour trahison, mais vous n’échapperez pas à la commission disciplinaire.

Simon ne dit rien, il savait que c’était un dénouement plutôt favorable compte-tenu de l’énormité des faits.

_ Le lieutenant Fargo estime que vous n’avez plus les qualités requises pour appartenir à Force Recon, je partage cette appréciation et je dois vous dire que vous me décevez beaucoup Sergent, votre dossier était impeccable jusqu’ici. Ceci jouera en votre faveur devant la commission ; je m’assurerai personnellement que vous vous en sortiez mon garçon, mais à l’avenir, n’oubliez pas que vous vous devez d’abord à vos frères d’armes marines.
_ Permission de disposer, colonel ?
_ Rompez.

Simon sortit, malaxant sa casquette dans ses mains ; il pouvait d’ores et déjà vider son casier, de toute façon il ne faisait plus partie de Dee-One depuis Livingstone-4, l’unité qui l’avait jadis rendu fier avait cessé d’exister ce jour-là. Regardant le ciel bleu de Virginie et la bannière étoilée claquant au vent au dessus du drapeau des marines, Simon prit une grande bouffée d’air frais, une nouvelle vie commençait pour lui.

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Page vue 60 fois, créée le 12.07.2007 19h13 par guinch
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