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Le caniveau

  • Port de Long Beach, Complexe Urbain de San Drad, Terre
  • 23 Août 2054
  • 21:32 Heure Locale

 

La haine vivait là, cachée au fond de son ventre, rôdant dans les méandres de son cerveau ; parfois si discrète qu’il l’oubliait pour se réjouir de la vie, toujours prête à mordre quand on ne s’y attendait pas.
Ses mains se mettaient à trembler, son rythme cardiaque augmentait sans effort, des douleurs étranges le parcouraient alors qu’il essayait de contenir ce fleuve.

Discipliné, respectueux, gentil au fond ; il ne pouvait se résoudre à blesser, même lorsqu’on lui faisait du mal, souvent il s’agissait de personnes qu’il avait aimées follement, et il voyait le danger dans la conversion de cet amour en colère sourde. Il espérait oublier, ne pas voir des coulées noires souiller ses souvenirs, ses illusions de pureté morale.
En vain, la haine était là et lui dénier son nom ou un moyen de s’exprimer n’était que la renforcer, la faire grandir à l’ombre de sa conscience tourmentée.
Kurt trouvait alors un refuge dans la drogue, temporaire et destructeur, mais seule alternative à la violence dont il se sentait capable ; car il était doué pour la violence, et trop bien entraîné.

En marge du système, rôdant dans les rues sous le radar, objet de mépris et de négligence, une machine à tuer était en train de sombrer dans la folie.

Etrangement, la folie était son excuse ; Kurt ne voulait pas admettre que son état résultait uniquement de son parcours, que sa douleur était légitime… S’il avait légitimé sa colère, alors il serait devenu une sorte de dieu vengeur, un de ces dingues qui prennent un fusil un beau matin et vont faire un carton au milieu des gens insensibles et méprisants. Mais ces gens vivaient leur vie, de quel droit voulait il l’envahir avec sa peine, ses états d’âme ?

La fin était inévitable, il espérait que la drogue l’emporterait, ça ou un voyou quelconque dans les rues du métroplexe ; qu’il disparaîtrait avant que le barrage ne cède et qu’une avalanche de violence ne se déverse, pure et blanche, dans la nuit perpétuelle qu’était devenue son existence.
Cette vie l’avait mutilé bien plus que tous les conflits auxquels il avait participé, quelque part il regrettait de ne pas être resté là-bas, il avait un certain équilibre alors et l’ennemi était clairement défini.

Il songeait parfois, essayant d’ordonner logiquement sa chute dans les ténèbres, au moment déclencheur qui l’avait à nouveau projeté dans ce bourbier imaginaire. Il s’était vu mourir dans la jungle, il s’était soigné avec patience et quoi ? Il avait cru pouvoir enfin arrêter de se battre, il avait trouvé un port d’attache, plaçant sa foi en sa solidité… A tort.
Tout avait déconné à partir de là, oui, il pouvait placer la responsabilité de sa déchéance sur les épaules de quelqu’un d’autre finalement ; il grimaça en y pensant, foutaises… Après ça il aurait très bien pu garder son job, faire face, cicatriser et continuer sa vie de façon honnête. Finalement, la trahison de Catherine n’était qu’une excuse pour tout laisser tomber, baisser les bras.

Kurt soupira, sentant la folie lui embrumer l’esprit ; après avoir avalé une bonne rasade de gin synthétique, il engagea un chargeur de HV dans le pistolet mitrailleur puis fit monter une cartouche dans la chambre. Il était temps de sortir, la jungle l’attendait.

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Page vue 61 fois, créée le 12.07.2007 18h18 par guinch
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