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Geste d'Elhod, récit courtois.

Ce que je vois aujourd’hui au pays de Bree m’attriste souvent, mais ce pays est bien différent de celui où j’ai grandi… Bien sûr.

De jeunes gens pressés y convolent sans pudeur montrer, et ce jeu ; pratique des bourgeois encanaillés, comme des voyageurs, qui ne se soucient guère que leur réputation soit honnorable au jour levé ; va jusqu’à déteindre sur les Eldars les plus jeunes, eux qui ont des illusions de sagesse !

En vérité, parfois Bree ressemble à la plus grande ribaudière qu’il m’ait été donné de voir ; même Tharbâd au moment de sa chute du paraître calme et chaste, comparée à ce qui se dit et se fait dans les rues boueuses de ce bourg.

Mais il fut un temps où l’amour était courtois ; et sans être mièvre, les amants se souciaient encore de l’honneur de la personne chérie.

Vous ne serez pas surpris que je vous reparle de mon Rohan natal, et d’amis que j’y ai connus ; deux d’entre eux, qui m’étaient chers, réussirent à s’y unir et ce… Malgré quelques obstacles de taille.

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Dans le royaume des chevaux, il existe une noblesse différente des communs ; les cavaliers qui possèdent un cheval et une épée, en forment la base ; les éleveurs, qui possèdent les terres et les chevaux en forment la fleur. Mais même parmi ces nobles Eorlingas, il existe des différences de fortune et de statut.

Elhod, fils de Themren le forgeron, est né cavalier car son père fut annobli en des temps lointains par le père de Thengel-Roi, lui-même. Il le reconnut comme un homme vaillant et humbe à la bataille, et lui dit cette phrase, qui chez les Dunharrow est tenue pour l’acte fondateur de leur lignée :


« Vois cette terre que tu as arrosée de ton sang Themren, elle est tienne. J’ai aujourd’hui plus de chevaux que de bons cavaliers ; établis toi ici, prends ces bêtes et prospère pour qu’un jour, hommes et chevaux soient enfin en nombre égal. »


Ainsi fut fondée la lignée de Dunharrow, pauvre de bonnes terres en ces montagnes, mais riche de vaillance.

Themren fut un seigneur honnête et généreux, n’hésitant pas à distribuer le grain de son grenier à ses gens pour l’hiver, voir à tuer un de ses chevaux, son bien le plus précieux, pour aider lors des jours de disette.

Il répondit toujours au ban, et envoya ses deux fils, Hemmad le beau et Elhod l’aimé, chevaucher sous la bannière du Roi.

Hemmad fut longtemps pleuré lorsqu’il tomba à la bataille du Snowbourne, face aux clans de Dùn ; mais de ses parents, son épouse, ou son jeune fils Ramghen, le plus peiné fut Elhod. Car les deux frères étaient tels Elladhan et Elrohir, unis dans la pensée comme dans le cœur ; voir son frère meurtri, fut pour le jeune Elhod, comme si on avait séparé son être en deux d’un violent coup d’épée.

Le premier chant de sa geste nous conte comment il se remit de cette blessure, mais ce ne fut pas aussi aisé que ces quelques vers veulent bien le laisser croire.

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Notre histoire commence donc au festin de la victoire, dans le hall d’or de Meduseld ; lorsque Thengel-Roi tronait plus souvent sur la selle d’un palefrois bardé de fer que dans son chateau, et que son cor raisonnait dans la lande à peine l’ennemi avait-il conçu le dessein de l’arpenter.

Sur les rives du Snowbourne, onze mille cavaliers ont chargé vingt mille Dunlendings ; la victoire a été ardue, mais glorieuse. Les clans sont en déroute, et ils n’oseront de sitôt redescendre de leurs montagnes.

Les bûchers ont brûlé des jours durant, on a veillé les morts, et porté les nobles en terre ; de bons amis, des parents, s’en sont allés pour prendre place à la table de leurs ancêtres.

Thengel était un homme avisé, qui point ne voulait ceindre la couronne du Rohan ; il revînt d’un exil qu’il s’était lui-même infligé à la nouvelle de la mort de son père, et prit les armes pour le venger et défendre le royaume. Sa furie était immense, sa détermination sans faille, son bras fort et son cœur droit ; mais de toutes ces vertus, son esprit était sûrement celle la plus sous-estimée, et il s’en réjouissait.

Alors que l’hydromel était porté aux lèvres dans des coupes d’ivoire et d’or, que le bière coulait à flots ; le roi entendit venir de la salle des communs le son d’une harpe, il avait fort envie d’être diverti et avait le goût des bardes, comme des ménestrels, acquis dans ses nombreux voyages de jeunesse.


« J’entends la corde d’argent danser au loin dans mon palais, et cela m’emplit d’une joie, qui ne pourrait être plus grande que si elle s’approchait de mon oreille ; ainsi parle le Roi ! »


Filgrim au vert manteau, capitaine des cavaliers du roi, se leva et se rendit dans la salle des communs ; il y régnait une joyeuse ambiance. Un jeune cavalier était dressé sur une table, et chantait, donnant du cœur à tous ses frères d’armes.


« Bel ami, ton Roi aurait plaisir à t’entendre chanter ; me suivra-tu dans la salle du trône, par amour de lui ? »


Le jeune homme s’arrêta et tourna son regard aussi vif que vaillant, sautant sans hésiter de la table.


« Ma vie pour Thengel-Roi ! »


Et c’était là un homme selon le cœur de Filgrim, il l’entraîna dans la salle et devisa aimablement avec lui sur le chemin.


« Ta voix ne m’est pas étrangère cavalier de Thengel, dis-moi ton nom je te prie car tantôt dans le fracas des armes, je l’ai entendue rallier notre flanc. »

« Hélas, tu endentis ma voix capitaine car le grand seigneur qui conduisait notre Eored est tombé, Egheld ami des chevaux, et avec lui sa bannière que tenait Hemmad le beau fils de Themren. J’ai le cheveu blond comme l’avait Hemmad, et c’est mon sang qui a coulé lorsqu'un lancier l’a frappé ; je suis Elhod, de Dunharrow, peut-être l’homme le plus triste de ce monde. »


La nouvelle attrista Filgrim.


« Mon cœur est lourd, et comme je partage ta peine Elhod mon ami ; mais fais bonne figure comme tu le faisais pour tes autres frères, car il y a dans la salle, d’autres gens endeuillés et ils ont besoin de ta harpe. »


Et Elhod donna sa parole ; les deux cavaliers entrèrent dans la grande salle du trône, et Elhod se sentit soudain fort déplacé, il y avait là une compagnie si belle et si riche ! La tunique de laine que lui avait fait sa mère, l’aurait fait passer par un pâtre s’il n’avait porté l’épée au côté. Le roi se leva et accueillit avec amitié le barde.


« Noble ami, nous voulons tous ici entendre tes chants ; que ton verbe et ta harpe célèbrent mes cavaliers, car ils le méritèrent grandement. »


Comme il était de coutûme, Elhod entamma un tour de table, chantant un exploit pour chaque convive, la beauté et la sagesse de leurs amies.


« Et je vois là Farnàd au poitrail fort comme le sanglier, lui dont le souffle fait retentitr le cor de l’Estfolde à l’Ouestfolde ; sonne, sonne ami Farnàd, jette l’effroi dans le cœur des méchants et donne l’espoir aux cœurs vertueux. »


Tant la musique, que la façon sans manières dont le jeune homme louait les convives, séduisirent l’assemblée ; hélas, le roi n’avait guère prévu lorsque le barde passa Theodwyn et le jeune et vaillant Eomund, héros de la bataille, qu’il tomberait bien mal à propos. Il y avait là une dame fort belle, mais dont les yeux étaient encore rouges des larmes ; et le barde en perdit sa langue ; puis, la voix mal assurée, mais pleine d’une passion nouvelle, il se mit à chanter.


« Il n’y a pas assez de pleurs, pas assez de fleurs, pour recouvrir le tertre de Edgheld ; il fut vaillant à la bataille, généreux dans la vie ; il était l’ami des chevaux, mon capitaine ! C’est sans joie, mais avec fierté, que j’ai versé mon sang à ses côtés. Ne pleurez plus Evangylen, car ma harpe le fera pour vous, reposez vos yeux un instant. »


Et il était si sincère, que la jeune femme cessa de pleurer ; le roi en fut tout surpris, lui qui n’avait réussi à réconforter la fille de son ami et maître des écuries.

Fort singulière aventure, c’est là un poète digne des contes, ou bien il y a quelque histoire derrière ce chant.

Le roi jaugeait Elhod quand son capitaine se leva, la coupe à la main.


« Elhod de Dunharrow, toi non plus n’est pas sans vaillance, et cette épée n’est pas à ton côté comme un ornement, son fer a mordu l’ennemi plus qu’aucun autre ormis Eomund et le Roi ; en vérité je ne peux me taire, car tu réalisa un prodige qui sauva peut-être la bataille ! »


Elhod était extrêment gêné par les louanges du capitaine des cavaliers du Roi, et il baissa la tête, bien penaud. Le Roi voulut savoir de quoi il en retournait.


« Parle Filgrim et ne nous cache rien, quelle aventure vécut Elhod fils du bon Themren ? »


Le capitaine se rendit compte qu’il s’était laissé emporter par la boisson et les chants, mais il était un homme droit et fidèle, aussi il s’exécuta.


« Lorsque Egheld tomba, et que sa banière fut jetée au sol avec Hemmad fils de Themren ; Elhod a changé sa peine en ardeur guerrière, repris les couleurs du Rohan et rallié l’Eored sur notre flanc ; ne l’eut-il fait que nous aurions été pris sur deux fronts. Voilà, en vérité, qui est Elhod, aimé des cavaliers du Roi. »


Le roi se leva à nouveau, il ne savait s’il devait être pris de colère contre ses gens ou bien de joie d’avoir trouvé un vaillant compagnon parmi ses cavaliers.


« Et cet homme-là joue de la harpe dans les communs ? Mon sénéchal est-il devenu fou que la vaillance s’incline devant le protocole ? Pas en mon château en tout cas ! Qu’on amène un manteau à ce cavalier et qu’il mange à ma droite avec mes compagnons les plus fidèles ! Ainsi parle le Roi ! »


Et Filgrim s’exécuta avec plaisir, car il partageait cette opinion ; il décrocha son propre manteau pour le passer autour des épaules d’Elhod, et lui donna l’accolade.


« Tu as perdu un frère Elhod, et nul ne le remplacera ; mais dès ce jour tu es mon frère, ma maison et mon cheval sont tout comme les tiens. J’en fais le serment ! »


Et le capitaine leva la coupe d’hydromel haut, la partageant en parfaite amitié avec son nouveau frère. Ainsi Elhod passa le manteau vert et devînt un des cavaliers du Roi. Toute à sa joie d’être admis en pareille compagnie, la peine d’Elhod dut se taire car on l’installa au côté d’Evangylen au cheveu de feu, et son cœur s’en réjouit en silence.

Elhod fut choyé, Filgrim et Eomund lui faisant don de leur amitié, et ils riaient tous trois comme de vieux compagnons se retrouvent après une longue absence.

La soirée avançant, Elhod voyait pourtant bien qu’Evangylen ne pouvait se réjouir, et cela rouvrit d’autant sa blessure, qu’en ne partageant sa peine, il se faisait parjure. Avec humilité, il demanda conseil à la fille du Roi, Theodwyn, qui était comme une sœur pour Evangylen.


« Dame, j’ai promis au Roi de ne pas attrister sa tablée, or, j’ai aussi promis de chanter la peine de la fille de Egheld ; j’ai grand besoin de votre conseil. »


Theodwyn, bien que très jeune, avait héritée de la sagacité de son père.


« Ami Elhod, il y a une façon de tenir à la fois ta promesse à ton Roi et à dame Evangylen ; demande le congé du Roi, il te l’accordera si ton honneur est en jeu, et va chanter la perte de Egheld à ceux qui étaient ses amis. »


Le conseil était si bon qu’Elhod en fut éperdu de gratitude.


« Merci grande princesse, ta sagesse me sauve et le fils de Themren ne l’oubliera pas ! »


Et il se leva pour demander au Roi son congé, ce dernier était attristé, mais devant la mine intraitable du jeune Eorlingas, il céda.


« Pour ton honneur, va ; mais reviens en ma compagnie prestement, ce congé ne vaudra que pour la nuit tant ton absence à mes côtés me peine. Ainsi parle le Roi. »


Elhod mit genou à terre, et s’excusa.

Evangylen trouva l’attitude du jeune homme bien étrange et bien discourtoise, elle s’en ouvrit à la fille du roi.


« Que ma compagnie doit être détestable que je chasse un cavalier de la table du Roi ! Et qu’il est traître d’invoquer l’honneur, cet Elhod fils de Themren, quand il a manqué à sa parole envers moi. »


La chose amusa grandement Theodwyn.


« En vérité voilà un bon changement dans ton caractère ma soeur, je te préfère furibonde que triste, Elhod semble-t-il a su réveiller ta vaillance. Ne sois jamais trop prompte à juger, car ces deux affaires d’honneur pourraient bien être plus semblables que tu ne le penses. Et n’oublies pas qu’Elhod a perdu son frère le bel Hemmad, il en conçoit grande peine nous a dit Filgrim, et la cache pour notre bon plaisir. »


Des deux amies, Theodwyn avait toujours été la plus tempérée, quoi qu’Evangylen ne manqua point d’esprit ; cette dernière revint à ses sens.


« Qu’ai-je à me plaindre ? Moi qui suis veuve, on m’assied près d’un des jeunes héros de la bataille… La peine m’obscurcit l’esprit, car je vois bien que le Roi a soucis de nous, alors qu’il a tant à penser pour le royaume. A présent je ferai bonne figure, si le fils de Themren le forgeron peut le faire, la fille d’Egheld sera une véritable forteresse ! »


Et Theodwyn se tut, car chacun devait terminer seul, son chemin vers la sagesse.

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Vint le temps d’éteindre les flambeaux, et de gagner les couches ; la fête avait été longue et belle, la cour et le peuple d’Edoras étaient harrassés.

Mais la fille de Egheld ne gagna pas son logis sans aller s’assurer que les équidées du Roi étaient à leur aise ; en tant que fille de feu le maître des écuries, elle y veillait avec le plus grand soin.

L’endroit à cette heure était désert, si ce n’était pour les sentinelles au dehors.

Quelle surprise pour Evangylen lorsqu’elle entra discrètement dans la place, d’entendre le son de la harpe ! Elle se glissa en silence derrière un madrier et écouta car une voix s’élevait.


« Toi Ferenhàm, qui porta Egheld, je connais ta tristesse ; car il était bon, pour les hommes comme pour les chevaux. Mais ta peine, née d’un amour sincère, doit se changer en force ; car la lumière d’Egheld n’est pas éteinte, il vit dans le cœur de ceux qui l’ont aimé, et sa fille la première le fera vivre longtemps. »


Mais Elhod de Dunharrow s’arrêta, s’asseyant devant la stalle de Ferenhàm.


« Hélas ! Qui suis-je pour te donner conseil mon ami ? J’aimerai ma peine en force changer, mais n’y arrive point. Pourquoi est-ce un époux, et le père d’un nouveau né qui a du tomber ? Pourquoi n’ai-je pas empoigné cette banière avant mon frère pour suivre Egheld dans la mort ? »


Evangylen s’approcha, la tristesse du cavalier lui faisait oublier la sienne ; c’est tout doucement qu’elle lui parla.


« Car nulle autre voix n’aurait pu rallier l’Eored de mon père, car tu es Elhod de Dunharrow, aimé des cavaliers du Roi. »


Le jeune homme sursauta et se remit sur ses pieds pour s’incliner devant la dame.


« Pardonnez-moi ma dame, je ne pensais pas vous donner pareil spectacle. »


La fille de Egheld caressa le museau du cheval de son père, puis s’assit dans la paille.


« Le roi t’a donné congé jusqu’au lever du soleil, et je ne te tiens donc pas encore pour quitte de ta promesse envers moi, Elhod ; chante pour moi. »


Comme elle le lui disait sans colère, Elhod pinca les fils de sa harpe et chanta jusqu’à la venue du matin. Mais la belle dame s’endormit, brisée de fatigue comme à cause de son chagrin ; Elhod la couvrit de son manteau vert et sortit à la recherche d’une des dames de compagnie de la cour.

Hélas ! Demkhar, fils de Gharrod à la grise fourure, premier époux d’Evangylen ; veillait au grain… Suspectant toujours sa trop jeune belle-mère, il l’avait suivie. Voyant Elhod sortir, il se glissa dans les écuries et y trouva la belle assoupie dans la paille, recouverte du manteau du cavalier !


« Catin ! Traînée ! Voilà bien la joyeuse veuve qui sous un an de deuil de son époux, va tromper sa peine dans les bras du premier venu ! Ah, l’infortune du vaillant Gharrod fit bien votre fortune ; et comme vous profitez sans vergogne de sa rente en vous roulant dans la paille ! »


Il hurla à la trahison, réveillant Evangylen et la plongeant dans la stupéfaction, si bien qu’elle ne put se défendre des imprécations et accusations dont il la gifflait ; les gardes arrivèrent bon train, et stoppèrent Demkhar, qui dans sa fureur aurait bien pu passer son épée dans le corps de la fille de Egheld.

Alerté par les cris, Elhod accourut ; et sans le vert manteau, il aurait aussi bien pu n’être qu’un commun d’Edoras ; mais Demkhar le reconnut, et son cœur avait plus d’une raison de haïr le fils de Themren. Sa lignée remontait plus loin, lui dont le père dînait à la table du Roi, et pourtant Demkhar ne portait pas le manteau vert !


« Parvenu ! Félon ! Homme sans honneur ! Je saurai bien te montrer coupable des infamies que tu as perpétrées ce soir ! Aussi vrai que je suis le fils de Gharrod, je te ferai payer ton insolence, toi qui a fôlatré avec sa veuve ! »


Et la honte se partageait l’âme d’Elhod avec la colère, car il réalisait bien combien le spectacle pouvait déshonnorer la fille de Egheld.


« Je prends ton mot, fils de Gharrod ; je soutiens qu’Evangylen fille de Egheld est digne et n’a pas déshonorrée la mémoire de son défunt époux, je me tiens prêt à en répondre les armes à la main quand il te plaira ! »

« L’affaire est entendue, je te ferai rendre gorge Elhod joli-cœur ! »


Elhod n’ajouta rien, et affermit sa prise sur la poignée de son épée ; il y avait bien une chose dont il n’avait pas peur, c’était la mort.

Mais on ne pouvait laisser les deux jeunes cavaliers s’entre-tuer sans porter l’affaire devant le Roi ; escortés de gardes, la compagnie vînt en grand tumulte dans la salle du trône, où le toujours matinal Thengel étudiait des cartes tout en déjeunant de façon frugale.


« Quel est tout ce tapage, qui ose troubler le sommeil des invités de Thengel dans sa propre demeure ? »


Filgrim était arrivé sur ces entrefaits et conta l’histoire au Roi ; Thengel n’était pas dupe et connaissait le cœur d’Evangylen comme celui de sa propre fille, et du fait, c’est lui qui l’avait mariée à Gharrod alors que sa fourrure était déjà un peu trop grise.


« Ce sont là des accusations fort graves et cruelles Demkhar, je pense que la mort de ton père t’affecte encore beaucoup, et que c’est elle qui t’a fait voir le mal là où il ne se trouvait pas ; pour ton Roi, oublies cette querelle et fais la paix avec Elhod, qui a gagné mon amitié à la bataille. »


Mais Demkhar voyait bien la connivence entre tous les gens du Roi, et cela attisait en son cœur le feu du sentiment de rejet ; le cou tendu comme la corde de l’arc, il ne démordit pas.


« Je monte le cheval et brandis l’épée, c’est mon droit de soutenir le nom de mon père, même quand ceux qui furent ses amis l’abandonnent. »


C’était trop, Filgrim eut gifflé l’impudent, mais Thengel laissa tomber son jugement sans colère, quoi que lui, savait quelle en serait l’issue.


« C’est la coutûme, mais quand tu combattra Elhod, ce n’est pas seulement l’honneur de la fille de Egheld qu’il défendra ; il sera aussi le champion du Roi comme le proclamme son manteau, allez à présent, et que parle le fer ! »


Au pied des marches du château d’or de Meduseld, la foule forma un cercle ; les deux combattants enfilèrent un pourpoint de cuir, et leurs partisans les armèrent. Filgrim tendit le bouclier à Elhod, et Eomund l’épée ; Evangylen fille de Egheld était désespérée car elle ne souhaitait la mort d'aucun des deux hommes.


« Arrêtez, je vous en conjure ; que le sang des cavaliers du Rohan, qui a bien trop coulé ; ne soit pas gaspillé en mon nom ! »


Demkhar cracha son venin, espérant faire perdre ses sens à Elhod.


« Ton nom, dame, je m’en moque ; c’est celui de Gharrod dont on débat ici ! »


Mais Elhod ne laissa pas le poison des mots l’atteindre, il connaissait trop cet art.


« Dame, quelle meilleure raison de mourir que pour mon Roi, si ce n’est pour Toi ? »


Et les cavaliers trouvèrent ces mots nobles.


Le combat fut furieux, les targes entamées par le tranchant des épées ; coups de toutes sortes étaient échangés, et rien ne fut épargné aux deux opposants. Ni le front ou l’épaule, ni la jambe et la botte.

Mais finalement, la colère de Demkhar le consummait si vivement, qu’il se découvrit dans l’espoir de frapper plus durement son adversaire ; Elhod fit un pas de côté, et d’estoc glissa sa lame au défaut de l’aisselle ; le fils rejoignit le père.

Nul ne se réjouit, et Evangylen se garda bien de montrer un quelconque soulagement qui aurait donné du poids aux mensonges de Demkhar. L’assemblée se retira et le Roi appella Elhod du haut des marches.


« Tu as prouvé ton bon droit, Elhod de Dunharrow ; mais malgré cela, tu as tué le fils d’un ami ; je dois donc t’envoyer au loin et cela me peine. Retournes en tes terres, tu portera le manteau vert, défendra le peuple et lui rendra justice ; si ta sagesse est avérée, en cela je me fierai au mot de ton père ; au bout d’un an et un jour, tu me reviendra. Ainsi parle le Roi ! »


Elhod posa le genou à terre, et accepta la mort dans l’âme de s’en retourner ; mais alors qu’il partait, ses amis Filgrim et Eomund chevauchèrent avec lui jusqu’aux portes de la cité.


« Elhod, autant que le service du Roi le permettra, nous viendrons te visiter ; car nous ne saurions nous priver de ta compagnie pour une longue année, tu sais trop ce que c’est de perdre un frère ! »


Et ainsi les frères d’armes respecèrent-ils leur serment ; et au cours de l’an, les trois héros chevauchèrent ensemble dans de grandes aventures, leur périple les amena au pied de la tour du magicien blanc, dans la forêt oubliée de Fangorn où résidait la guérisseuse Tolwen, et loin sur les frontières, partout où le danger guette.

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Le récit des aventures du trio de guerriers enflamma le pays, et à la cour le Roi se réjouissait secrètement de sa décision, car ses cavaliers y acquéraient grand honneur en son nom.

Mais si Theodwyn, fille du Roi, attendait avec grande impatience le retour d’Eomund le vaillant, a qui elle avait donné son cœur ; elle n’était pas seule à désirer ardament des nouvelles. C’est souvent dans son boudoir, lorsqu’elles ne jouaient pas avec son tout jeune frère Theoden, que Theodwyn se faisait questionner finement par son amie Evangylen.


« N’y a-t-il pas de nouvelles de votre ami aujourd’hui, fille du Roi ? »

« Ah, je ne m’en étais pas encore inquiétée ma sœur ; sauriez-vous quelque chose que j’ignore ? »

« Moi ? Non belle amie, je me montrai juste curieuse de l’état de votre cœur, car vous sembliez d’une humeur radieuse au déjeuner. »


Et Theodwyn de rire, car elle n’était pas dupe.


« Oui, mon ami accomplit bien des prodiges par amour de moi ; mais je suis un peu fâchée. »

« Et pourquoi cela dame ? »

« Car tout ce qu’Eomund fait, Elhod l’accomplit aussitôt pour l’amour d’une autre. »


Et la nouvelle décomposa le visage de la dame au cheveu de feu.


« Ah… Il était surprenant qu’avec sa vaillance, Elhod de Dunharrow ne trouve pas une amie jeune et douce, pour le chérir. J’en suis heureuse pour lui. »

« Vos mots disent une chose et votre cœur une autre, allons pas à moi, je vous connais mieux que je ne me connais moi-même. Savez-vous au moins qui est cette dame ? »

« Assurément une femme pleine de charme et fort heureuse, car elle a un ami vaillant. »

« Sachez, jeune sotte, que lorsqu’Elhod terrassa le Ouargue du pont du Glanbyr, il dit que c’était pour l’honneur de la fille de Egheld, qui était sans tache. »


Et la peau de lait d’Evangylen ne manqua pas de rosir à cette nouvelle, quoi qu’elle ne voulait y croire.


« Vous jouez avec mon esprit, je le vois bien ; car Elhod de Dunharrow fut toujours honnorable et sans passion à mon endroit, il ne me pria jamais d’amour, pas plus qu’il ne me fit porter de message. »

« Ne lui en tenez pas rigueur, car c’est là la façon de faire d’un gentilhomme ; il est fils de forgeron, votre père était maître des écuries royales, et vous la veuve d’un cavalier du Roi ; il ne serait pas convenable qu’il vous pria d’amour. »


Cette fois-ci Evangylen s’insurgea.


« Je vous entends, mais il est à présent cavalier du Roi, et sa vaillance n’a d’égale que celle du héros Eomund et de leur fidèle compagnon Filgrim, capitaine des cavaliers du Roi. Y a t’il plus noble compagnie sur cette terre ? Je n’oserai pas penser qu’un tel homme eut intérêt dans une épouse de second lit, mais il se montre fort convenable, vous l’admettez vous-même.»


Et Theodwyn, espiègle ne cessait de se régaler ; les mots de son amie étaient du miel à ses oreilles.


« Qui oserait en débattre quand il a une aussi farouche défense ? Evangylen, ma sœur, cachez bien vos sentiments car si ils vous honnorent, ils ne regardent que vous et ce noble cavalier vers lequel votre cœur s’est tourné. »

« Hélas ! Suis-je si transparente ? »


Et la fille de Egheld rentra chez elle, rouge de honte.

Mais c’était mal connaître la fille du Roi, qui aurait pu faire une reine, que de penser qu’elle s’arrêterait en si bon chemin. Le jour où le serment d’Elhod serait accompli arrivait à grands pas, et Theodwyn alla trouver son père.


« Westu Thengel Hal ! »

« Ma fille, approche et viens me tenir compagnie ; quelles sont les nouvelles ? »

« Mon Roi, tu les connais ; trois cavaliers vont de par ton royaume, et le Rohan raisonne de leurs exploits glorieux. »


Et le roi se réjouit.


« Bientôt mes compagnons seront réunis, et grande sera ma joie car je compte te marier au vaillant héros Eomund. »


Theodwyn souit avec contentement, car tout son cœur allait dans ce sens.


« Roi, tu es sage et généreux ; et père, tu fais le bonheur de ta fille ; mais tu pourrai être encore plus vertueux ! »

« Dis-moi comment, et si cela n’est contraire à l’honneur, je m’y emploierai ! Ainsi parle le Roi. »

« Jadis, pour contenter votre ami, Egheld et toi lui offrirent Evangylen aux cheveux de feu en mariage. »


Et le roi fut peiné.


« C’était là une fort mauvaise décision, dont ne découla que malheur… Que n’avais-je ton conseil à ce moment là ma fille ! Mais ce qui est fait, est fait ; j’ai causé du tort à une enfant que j’aime avec une tendresse égale à celle que je vous porte à toi et ton frère. »

« Père, réjouis-toi ; je connais un moyen de t’amender ! »


Et le roi écouta… Comme souvent, il décida d’un plan habile avec l’aide de sa meilleure conseillère et fille, puis le mit en branle.

Evangylen fut mandée à son logis, et priée de se présenter devant le Roi ; elle s’empressa de lui donner satisfaction car son respect pour lui n’égalait que son amour pour ce grand homme.


« Evangylen, fille d’Egheld ; tu n’es pas sans savoir que l’échéance de l’exil d’Elhod de Dunharrow arrive à son terme. Mais selon ma décision, je dois trouver conseil auprès de Themren, son père. Les affaires du royaume me retiennent hélas de chevaucher jusqu’à Dunharrow, et je n’ai confiance qu’en la sagesse de quelques uns de mes proches, pour juger des actes du fils de Themren. Tu es celle qu’Elhod a offensée en tuant le fils de ton époux, j’aimerai que tu ailles décider pour moi, si mon cavalier a mérité ton pardon. »

« Mon Roi, ta confiance m’honnore, et je vais m’en aller sur le champ jusqu’à Dunharrow et le logis de Themren. »

« Fort bien, mais prends ton temps ; et paye mes respect à la tombe d’Hemmad le beau, que le peuple sache combien je déplore sa perte. Une fois que Themren t’aura ouvert son cœur sur notre problème, invite-le, lui et son épouse à me rejoindre à Edoras pour qu’à vous trois, vous puissiez me donner conseil. »

« Ainsi je ferai. »


Et Evangylen partit faire sceller le fidèle Ferenhàm alors qu’elle se préparait à chevaucher bon train, car dans son cœur l’urgence était grande. Mais ça, nul autre ne le savait ; qu’elle, le Roi et sa fille.

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Pendant ce temps, les trois compagnons portant le manteau vert des cavaliers du Roi s’avancaient vers Edoras, et grande était leur joie de revoir enfin les palissades entourant la cité et le château d’or.

Eomund fut le premier à s’extasier.


« Voyez mes frères ! Edoras est en vue, comme ce spectacle remplit mon cœur de contentement ; je vais enfin revoir mon amie qui m’est si chère. »


Filgrim, toujours le plus posé des trois prit le temps d’humer l’air de la lande et d’admirer son pays.


« Une bonne table nous attend, et enfin je reverrai mon épouse et mes enfants ; ils ont du grandir en mon absence! »


Elhod était quant à lui gêné.


« Mon cœur aspire plus que tout à revenir à Edoras, mais en suis-je digne ? J’ai tantôt fait couler le sang d’un autre Rohirrim sur son sol sacré, et la culpabilité de ce geste me ronge encore. »


Eomund s’emporta contre son ami, alors que Filgrim avançait, prenant le cheval d’Elhod par la bride.


« Digne ? N’était-tu pas là, toujours debout à nos côtés au cours de nos aventures ? Tes paroles de feu ne nous rendaient elles pas courage et espoir dans les ténèbres ? Allons Elhod, si un cavalier t’insulte à notre retour, je fais le serment d’être ton champion et de lui faire ravaler ses paroles ! »


Poussé par ses frère d’armes, Elhod chemina vers Edoras.

Et quel fut leur accueil ! Les trompettes raisonnèrent d’aussi loin qu’on put les apercevoir ; les portes de la ville furent grandes ouvertes et le peuple se posta sur leur passage, jetant les fleurs et acclamant les héros du Rohan.

Les trois amis furent très émus, et c’est transportés qu’ils mirent pied à terre devant les marches de Meduseld.

Thengel avança, la main sur le pommeau d’Herrugrim, l’épée des rois.


« Bienvenue, cavaliers du Rohan ! »


Les trois cavaliers mirent genou à terre et saluèrent le roi.


« Westu Thengel Hal ! »

« Il y a un an, vous quittiez cet endroit où je demandais à Elhod de Dunharrow de fidèlement veiller sur ses terres ; mais vous avez chevauché tous trois, en parfaite amitié, et en grand honneur, pour parcourir tout le royaume et apporter la paix du Roi à ceux dans le besoin. Vous êtes revenus à moi, et à présent, c’est moi qui vient à vous ! »


Et le roi descendit les marches, tenant sa fille par la main ; il releva Eomund et joingit sa main à celle de Theodwyn.


« Mon fils. »


Et le peuple poussa des hourras, car il aimait la sage et généreuse Theodwyn tout autant que le vaillant et puissant Eomund.

Le roi releva Filgrim et lui donna l’accolade.


« Capitaine de mes cavaliers, ta joyeuse présence nous a manqués... A tous. »


Et son épouse fut priée de s’approcher avec ses enfants, le Roi leur avait fait cadeau de riches parures d’or et vêtements de velours.

Enfin le Roi se pencha sur Elhod.


« Debout Elhod, plus jamais je ne veux devoir me séparer du son de ta harpe et de la clarté de ta voix. Tu sera mon chroniqueur, et tu ne quittera plus mon côté… Où que l’aventure nous mène, ce sera ensemble. »


Et Elhod aurait pleuré tant il était reconnaissant du pardon du Roi.


« Jusqu’à la fin, mon Roi. »


Et c’était la prophétie car ce serment fut respecté ; mais il y avait une autre personne qu’Elhod espérait revoir, et dont il souhaitait obtenir le pardon, son absence jetta une ombre sur son cœur.

Un grand banquet fut organisé dans les verts prés sous les palissades d’Edoras ; de grandes nappes de lin blanc reconvrirent les tables, il y eut à manger et à boire pour tous, du plus grand au plus humble ; ménestrels, amuseurs de toutes sortes, égayaient les tables ; et dans l’après-midi les cavaliers joutèrent pour démontrer toute leur adresse. Mais quelle qu’elle fut, ils ne purent venir à bout des champions du Roi, car tous trois, tenaient des lances étincellantes comme on en voyait pas au Rohan. Le Roi demanda à ses champions :


« Vos armes sont magnifiques, d’où les tenez-vous ? »

« Roi, une compagnie de nains nous les offrit au cours d’une de nos aventures. »

« Cela est bien, et j’en veux de toutes pareilles pour mes cavaliers ; qu’un messager soit dépéché chez les nains, qu’on les prie en toute amitié et contre de l’or, de fabriquer ces lances merveilleuses. »


Et la lumière du soleil jouant sur le fer étincellant des lances, aveuglait l’opposant ; elle rendit célèbre l’Ost de Thengel, car elle chargeait aux premiers rayons du soleil, comme un éclair frappant l’ennemi.

Au tournoi, Filgrim finit par déclarer forfait, car il voulait rejoindre sa famille ; et Elhod s’avoua vaincu, car jamais il n’aurai le cœur de prendre les armes contre son frère Eomund.

L’amitié parfaite qui régnait entre les trois héros émut la compagnie du Roi, Theodwyn en conçut une affection renforcée pour Elhod qu’elle estimait déjà beaucoup.

A la tombée du jour, les festivités se poursuivaient encore ; et le Roi appella Elhod.


« Toi dont la langue d’argent sait célébrer la beauté du monde, Elhod répond à ma question : qu’est-ce que la beauté ? »


Pareils jeux d’énigmes étaient chose courrante à la cour, Elhod prit le temps de la réflexion, puis chanta.


« La beauté se refuse sans cesse à celui qui la traque, mais lorsqu’on ne la cherche pas, alors elle nous entoure. Pas dans l’or des œuvres des orfèvres, ni dans la grandeur des tours des chateaux ; mais dans les feuilles des arbres, et l’herbe des prairies lorsqu’elles sont carressées par le vent. J’ai croisé la beauté, au détour d’un sombre couloir de la vie, et son éclat m’a aveuglé ; aujourd’hui je la cherche, et la beauté est absente ; mon cœur de poète repose dans l’ombre. »


Et tous entendirent, les nobles cavaliers, leurs amies, et les gens du commun ; ils tournèrent leur regard vers les près, les montagnes et les forêts et la beauté était là… Mais pas les enfants, car les enfants savent en venant au monde et ils ne cherchent pas.

Le jour déclinait, et la fête se replia à l’intérieur des murs de la cité.

Une compagnie venue des montagnes arriva à la porte ; et on lui fit grand honneur quand elle fut annoncée dans le hall d’or.


« S’avance Evangylen fille de Egheld, elle mène Themren et Deanna de Dunharrow. »


Et le Roi fut satisfait, il se leva pour accueillir son vassal.


« Themren, c’est avec grand sérieux que tu tiens ta terre, si bien que je n’ai que rarement le plaisir de ta compagnie ; mais je parcourrai le royaume plus souvent à compter d’aujourd’hui, et ta demeure recevra ma visite. Ainsi parle le Roi. »

« Westu Thengel Hal. »


Le Roi salua ses trois invités, puis se tourna vers l’assemblée.


« J’ai mandé votre présence et votre conseil concernant un de mes cavaliers ; mais avant d’en venir là, j’ai une question pour la belle Evangylen. Dame, comment était ton voyage ? »


Evangylen s’exprima avec droiture, n’omettant rien car elle pensait accomplir sa mission pour le Roi.


« J’ai chevauché bon train jusqu’à Dunharrow, le seigneur Themren m’y a reçue avec hospitalité et nous avons devisé longuement. Ce que j’ai vu parle mieux que nos propos, j’ai vu une terre dure où tous s’emploient de leur mieux, j’ai vu une terre où le seigneur et les siens sont tenus en grande estime, et aimés du peuple. Deux noms y sont à la bouche de tous ; celui d’Hemmad le beau, dont la compagnie plaisait à tous, et dont le tertre est toujours fleuri ; et celui d’Elhod l’aimé, dont les prouesses n’ont d’égal que la probité. »


Le roi fit mine de réfléchir.


« Ainsi tu as de l’estime pour Elhod de Dunharrow ? Le destin ne laisse donc rien au hasard, car aujourd’hui même, je demandais à Elhod de chanter la beauté et il se désola alors de ton absence à la fête. »


Evangylen s’empourpra, cherchant le soutien de Theodwyn, qui lui retourna un sourire espiègle, et elle sut qu’elle avait été piégée ; de même, Elhod s’était dressé, pâle comme un linge.


« Mon Roi, c’est là un bien cruel amusement ; je ne saurai oser prétendre à l’amitié de dame Evangylen, ma naissance me l’interdit ; de plus, j’occis le fils de son époux en combat singulier. L’associer à mon nom est… »


Mais Evangylen avait elle aussi son mot à dire.


« Elhod, bel ami, je vous en prie ! Il n’est pas faux que j’admire le fils de Themren, mais qui dans le royaume n’éprouve pas le même sentiment ? Sa vaillance inspire tout un chacun, et je ne saurai prétendre à son amitié, moi qui ne suis plus pure. C’est ainsi. »


Thengel soupira et éleva la main pour faire taire l’assistance.


« Seul le Roi décide de la valeur de ses gens ; Themren, ami fidèle, donnes-moi ton avis sur dame Evangylen, car son père étant mort, je la considère comme ma propre fille ; je souhaite la marier à ton fils Elhod, et je t’offrirai en dot dix de mes meilleurs chevaux. Cela te suffira-t-il pour accepter une épouse de second lit pour ton fils ? »


Et Themren eut un sourire entendu.


« Roi Thengel, me demanderais-tu de donner mon meilleur cheval pour dame Evangylen, que je le ferai sans hésiter. Elle est noble, sage et la pureté de son cœur ne souffre aucune question ; j’ai pu m’en assurer… Et mon épouse partage ce sentiment ! Or à son seul jugement je me fie. »

« Alors l’affaire est entendue ! Quelqu’un a t’il à y redire ? »


Mais autant Evangylen qu’Elhod ne soufflèrent mot, car leurs cœurs battaient à l'unisson. Thengel joignit les mains des deux jeunes gens.


« Elhod, je te donne Evangylen fille de Egheld pour épouse. Ainsi parle le Roi. »


Et tous se réjouirent, car cela était bon.

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L'amour et l'amitié éclosent subitement, comme les bourgeons au printemps ; mais ils demandent de longs soins pour se maintenir une fois l'hiver venu, c'est un travail constant qui est plus celui de l'acte, que de la parole.

Aux jeunes gens je dis: ne soyez pas trop prompts à vous enflammer, gardez vos sentiments quelques temps par devant vous, laissez les murir et placez votre espérance en les Valars ; si votre coeur est honnête, la nature fera son ouvrage au rythme des saisons.
Page vue 54 fois, créée le 26.03.2008 17h42 par guinch
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