L’homme s’écroula après avoir heurté le mur, il respirait difficilement, crachant salive et sang sur le pavé gras de la ruelle ; Harrison joua avec la lourde lampe torche dans la main droite.
« Spunky je vais te crever, tu ne devrais pas en douter une seule seconde. »
Spunkmeyer rampa faiblement, son front entra en contact avec une flaque et la sensation de fraîcheur était délicieuse, il avait si mal aux bide et aux côtes, insupportable, ce flic savait où cogner. Les bruits des chaussures de la brute écrasant les détritus non loin de sa tête déclenchèrent un nouvel afflux de peur, Spunkmeyer imaginait déjà comment il allait le larder de coups de pieds dans les côtes ; Harrison était un vrai cinglé et il n’hésiterait sûrement pas à la laisser pour mort après un maquillage de routine.
« Qui se soucie d’un petit dealer de merde comme toi Spunk ? Personne à part moi, alors tu vas cracher le morceau où je te défonce le crâne ! »
L’homme au sol tenta de se redresser en pleurnichant, les bras tendus en un geste de soumission et de supplique presque religieux ; la religion ne faisait son apparition réelle que lorsque la vie s’en allait, laissant l’homme en proie à des questions sans réponses, la religion était un piège terriblement bien huilé. Harrison regarda le visage creusé de Spunkmeyer, il avait brisé la règle numéro un du dealer : ne jamais toucher à sa propre camelote, il était devenu une ombre de lui-même, un être nouveau issu d’un long procédé d’affinage qui laissait le superflu derrière, seulement attentif à la subsistance de l’âme et aux visions de l’autre côté.
Dégoûté, terrifié, Harrison dégaina son arme d’un geste fluide et vida son chargeur sur le zombie à ses pieds ; ce fut le « clic !clic ! » du percuteur frappant à vide qui le ramena à la réalité, il avait temporairement exorcisé ses démons en sombrant dans un monde blanc de facilité et de brutalité libératrice ; seuls les gens qui avaient déjà tué pouvaient voir quelle addiction cela représentait, soulagement total mais tellement éphémère.
D’une main tremblante Harrison rengaina son arme et entreprit très lentement de ramasser les douilles à l’aide de son mouchoir, personne ne viendrait voir ce qui s’était passé ici, Spunkmeyer serai pourrissant avant que quiconque ne le découvre. Après quoi Harrison se laissa aller en arrière et s’adossa au mur, la pluie loure lavait son visage, il ouvrit la boîte en plastique cylindrique et la porta à ses lèvres faisant glisser les comprimés dans sa bouche, puis les bras en croix et tournant sur lui-même il laissa la pluie entrer dans sa bouche ouverte en riant. La porte de la voiture claqua très sèchement, le bruit des gouttes sur la carrosserie était assourdissant tout comme la migraine martelant le crâne du détective ; regardant rapidement son carnet à spirales il raya le nom de Spunk, il ne lui restait plus qu’à pécher au petit bonheur la chance et il savait où aller.